APRES LE 31 MARS 1944
Après le 31 mars 1944
Octobre 2004, témoignage de Madame Vidal née Louise Bourdeilh sur le drame de La Menoue

Mme Vidal née Louise Bourdeilh le 19 novembre 1923 à La Menoue de parents cultivateurs dont le père Alain eut les pieds gelés pendant la guerre de 14- 18. La mère Thérèse habita La Pinsonnie, propriété morcelée qui s’étendait sur 6 ou 7 ha de bois, 3 ha labourables et 1 ha de pré. Quelques vaches paissaient et avec le cheval, le père faisait également le charretier vers La Gélie avec Ambroise Cluguis pour expédier par exemple les prunes. Le frère aîné de Louise était Louis né le 21 août 1921.
Leur père décède le 23 Mars 1944. Le 29 Juin 44 dans l’après-midi, arrivent de Le Bugue quelques 12 ou 15 allemands bardés de colliers de balles. Quelques-uns pénètrent dans leur maison où les enfants étaient avec leur mère pendant que Louis était dehors en train de remuer du foin. Ils virent son abcès qui ne guérissait pas et pensèrent qu’il s’agissait d’un maquisard blessé. Il tenta de s’expliquer, sa sœur Marie s’avança pour appuyer ses déclarations en disant « Ne le tuez pas » mais il eut peur et tenta de se sauver en s’éloignant par le portail, à ce moment les allemands assis près de la mare de l’autre côté de la route le tirèrent et l’abattirent. Dans le mur se voit encore l’impact de la balle et peut-être 10 ou 15 ans plus tard Florent retrouva une balle de fusil mitrailleur Mauser dans du fumier. Affolement général, tous criaient, les allemands fouillent tout dans la maison renversant les tas de linge puis dans la grange donnant des coups de baïonnette dans le foin. Les détonations et cris d’horreur se firent entendre, aussitôt Robert Moulinier qui était dans sa terre, la Thérèse Pompougnac qui discutait avec un officier et même madame Boutinaud qui, de sa terre du plateau de Graulet accoururent mais : quel spectacle !
L’officier qui était resté discuter avec Thérèse Pompougnac, contrôla les papiers de Louis et constata que c’était bien une erreur….

Ce même jour où Louise Vidal née Bourdheil présentait le drame qui s’était passé à La Menoue le 29 juin 1944, son mari Louis Vidal présent, tenait à préciser que Louis fut tué et non fusillé.
Puis il nous conta ses 5 années de captivité.
La captivité
Louis Vidal le mari est né à Rousty le 10 février 1915 de parents cultivateurs. Louis sera ouvrier maçon chez Gabriel Mauzat l’oncle de Georges Mauzat, jusqu’à son régiment à 21 ans. Le 18 octobre 1936 Louis est à Dijon au 27° régiment d’infanterie, pour être libéré de ses obligations militaires le 18 octobre 1938. Mais le 23 mars 1939, il est rappelé. Il est fait prisonnier à 11 h 15, le 19 juin 1940 à La Chapelle Sous Rougemont dans les Vosges. Il mettra 2 jours pour arriver à Mulhouse à pied, sans manger ni boire, et pourtant il faisait chaud… Les gens présentaient bien de l’eau mais les allemands les rejetaient d’un coup de pied…La croix rouge les prendra en charge 10 jours dans une usine désaffectée puis ce seront des gardiens allemands qui prendront la relève.
Pendant 35 jours ils mangèrent des lentilles et des rutabagas au pétrole. Ils étaient faibles mais durent partir vers l’Allemagne qu’ils traversent à pied pour arriver à quelques 80 kms de Prague et 50 kms de Dresde en Saxe. Pendant 10 mois il travaillera dans une usine au Stalag IV C à tordre la grosse ferraille avec un allemand communiste, 2 serbes et un autre français. L’ouvrier allemand portait de temps en temps un gros gâteau et il reconnait avoir été bien nourri…. A la saison ajouta –t-il « comme l’on demandait des volontaires pour faire les foins dans les fermes du côté de Zinnwald, avec 5 camarades nous sommes volontaires et bien vite appréciés pour nos qualités de faucheur, (il faut dire que l’acier des faux était excellent). » il sera toujours bien traité par le fils et la fille du propriétaire ainsi que par sa nouvelle femme Yourri (l’autre étant décédée). On lui offrait même 5 cigarettes par jour avec le conseil de les fumer assis. Il est logé dans la ferme et tous les soirs avant de s’endormir il tournera régulièrement le buste de Hitler que la femme remettait à l’endroit le lendemain… Il commencera à apprendre l’allemand avec les enfants. Mais l’hiver approchant, il partira à quelques 800 mètres dans le camp de Siebengiebel qui demandait aux prisonniers de couper du bois dans la forêt pour aller le livrer aux habitants du village avec un cheval dans la neige et le froid. Il devait également aller chercher le ravitaillement au village et il avait même pratiquement eu l’accord de chausser des skis pourtant interdit par le règlement à cause d’une possible fuite. Il revenait ainsi chez Yourri chercher du lait. Il y restera sans problème et dans de bonnes conditions de 1941 jusqu’à l’arrivée des troupes russes. …
Retour
Il fallut quitter le commando de Siebengiebel le 7 Mai vers Teplitz dans une colonne de 2 000 prisonniers puis vers Brux (sudetengau) avec nos 15 à 18 kgs sur le dos. C’est là que disparurent les sentinelles allemandes qui les surveillaient. Sur « la route des Américains », ils furent même bombardés entrainant la mort de 4 camarades et deux femmes, faisant plusieurs blessés ; ce furent également plus loin les sifflements sinistres d’une canonnade, plusieurs rafales de mitrailleuses mais aussi les risques d’être pris dans une embuscade, abattus par des tirs des uns et des autres : c’était « sauve qui peut ». Dans un petit village tchèque repris par la résistance Tchèque, la population les restaura aimablement peu avant l’arrivée des soldats russes. Après plusieurs péripéties, de nuits à la Belle Etoile, quelques bombardements sur des routes minées semant la mort, ils arrivent à Karlsbad puis Bamberg. Le 15 Mai ils sont récupérés et restaurés par l’armée américaine. Ils prennent le train et traversent le Rhin le 20 Mai à 20 h 30. La France, quel bonheur…..Le 26 Mai 1945, il arrive à Périgueux après 18 jours de voyage il retrouve enfin après 5 années de captivité : la Liberté.
Témoignage de Françoise Lablénie sur Edmond Lablénie Professeur agrégé – Résistant de la première heure – Président du Front National Universitaire puis de l’Union Française Universitaire, personne certes peu connue des Rouffignacois et pourtant incontournable pour l’obtention rapide des premiers baraquements

Edmond Lablénie est né le 5 juillet 1907 à Plazac (La Forge de Vimont) de parents instituteurs. Après son passage à l’école primaire, il obtint le baccalauréat au lycée de garçons de Périgueux avant de poursuivre ses études à la faculté de lettres de Bordeaux. Elève brillant nous le retrouvons maître d’internat à Pau puis enseignant de Lettres Classiques au lycée de Bergerac. Agrégé des lettres en 1932, il obtiendra à Paris un poste au prestigieux lycée Janson-de-Sailly. Pratiquant déjà la « Méthode Directe » et le Latin Vivant, il fut aussi reconnu dans ses écrits poétiques mais également dans son engagement patriotique et politique. Ainsi fit- il partie des militants en grève contre le décret Daladier et contre les accords de Munich. Lors de la capitulation de l’armée et de son anti pétainiste naquit rapidement un Edmond Résistant. Il restera à Paris, créant déjà une « Légion de jeunesse » des 15 – 20 ans pour les garder en réserve, au cas où….
Puis, sous le nom de Max Dolmont, il publia régulièrement avec son épouse et un groupe de lycéens, « Notre droit », anti-allemands et anti-vichy. Il fut l’un des organisateurs de la manifestation lycéenne du 11 novembre 1940 à l’Étoile: fait signalé actuellement par une plaque en hommage à ces professeurs et étudiants courageux,
Fidèle à ses convictions il se rapprocha des étudiants juifs, montrant clairement ses positions de républicain convaincu, qui lui valurent de graves problèmes avec sa hiérarchie. Il mobilisera dans la résistance une grande partie du corps enseignant, travaillant à l’organisation du Front national du secondaire et de son fonctionnement, il préparera également l’« l’insurrection nationale », en liaison avec le ministre Henri Wallon. A partir du mois d’août 1944, son domicile parisien est le centre névralgique de la résistance où tout se décide avec même la distribution d’armes, devenant lui-même président du Front National Universitaire.
A la fin de la guerre, il participera à la remise en marche du système éducatif et à l’établissement des programmes. Plus tard il sera Médaillé de la résistance en 1945, décoré de la Légion d’honneur à la Sorbonne le 8 Mai 1947 et en janvier 1983 le ministre de la Défense Charles Hernu, lui attribua la croix du combattant volontaire avec barrette « Guerre 1939-1945 ».
Et c’est grâce à ce parcours exceptionnel et ses nombreuses connaissances dans les différents ministères notamment celui de la Reconstruction, qu’il put répondre aux demandes de son cousin germain Fernand Lablénie, maire de Rouffignac, qu’il considérait comme son propre frère.
En effet, Fernand Lablénie était natif de Rouffignac, il avait été mobilisé et avait participé à la bataille de Verdun, il s’était marié avec Elodie Dussutour et, tout en s’occupant de ses propriétés, fut conseiller municipal de Monsieur Claude Laclyde, devenant maire à la mort de celui-ci en 1941. Ne révélant aucun maquis lors de l’arrivée de la 44° division B du général Brehmer le 31 mars 1944, il subira « les violences » ainsi que son secrétaire M. Delmontel. Le village fut pillé puis incendié, les rouffignacois dispersés et recueillis à bras ouverts par des amis ou des parents de la campagne… Que de responsabilités à présent pour organiser, gérer et reloger au plus vite ses habitants….
Et c’est ainsi que par exemple, grâce à ses démarches auprès de son cousin, arrivèrent en 1945 les fameux premiers baraquements en bois (les baraques comme on les appelait) livrés au début par trains puis plus tard, par camions. Edmond Lablénie intervint également en juillet 1945 pour régler en 3 mois avec la société Fibrociment de Poissy le problème de fuites des premières toitures posées. Il appuya également la demande de la commune auprès du conseil général pour l’obtention d’une prime de 1500 francs par foyer. Il réussit à convaincre le ministre de la communication pour lancer un appel aux dons pour l’obtention de meubles et vaisselle sur la Radio des Ondes. Quelques années plus tard nous le voyons encore intervenir pour la mise en chantier de la première tranche de travaux de reconstruction des écoles de Rouffignac et même celles de Mouleydier….
Témoignage de Jean Louis Richard avec en premier son Plan d’Implantation des baraquements puis en deuxième partie : ses souvenirs dans la « Cité ».
La Cité est le mot magique qui encore de nos jours, ne fait que rappeler malgré cette période difficile de privations et la dureté à la tâche des adultes pour reconstruire, que de bons souvenirs pour tous ces copains installés avec leurs parents dans les baraquements situés entre les actuelles Route des Tuilières et le chemin des Piconnies. La Cité était un peu le centre économique du bourg avec de nombreux artisans mais surtout un lieu de coquineries, bagarres amicales, rencontres inoubliables qui créèrent entre tous les jeunes, de solides liens d’une amitié ineffable qu’ils se plaisent encore à évoquer.

Témoignage de Jean Louis Richard
Jean Louis Richard (dit Jeannot) est né le 21 février 1937 Rue des Fontaines. Le 31 mars, il a 7 ans et il se réfugiera avec ses parents le premier jour chez « Guy » du Buisson puis à la Fée chez l’oncle et la tante Goudou dans 2 chambres du domaine de Léo Dougnac. Jeannot se souvient que Léo amenait Richard avec la jument pour les courses diverses. Par contre, Il allait de la Bossenie » à l’école à pied avec des galoches en bois ferrées par Martin Florentin. Mesdames Dépeigne et Chaussade mais aussi Messieurs Perche et Chaussade après le sinistre, enseignaient à Tourtel pour les garçons (les filles allant au Cheylard). Il amenait sa gamelle de soupe comme ses camarades et c’était Mme Lescure qui les faisait chauffer. La vie reprenant son cours, se retrouvèrent les voisins comme Paul Delaygue, Jean Claude Perrot mais aussi les copains d’enfance Georges Barry dit Jojo, Alexis, Eugène et Michel Célérier, Antonio Carabella et son cousin Enrique Roda. Il y avait également tous les Monribot (Jeannot y allait chercher le lait), Robert Bonis, Gérard Semond, Dédé Desthomas, Christian Laval puis Michel.
Les premiers baraquements arrivèrent courant 1945, début 1946 et avec eux s’ajoutèrent pendant les vacances, de nouveaux copains venus des villes (principalement Paris) comme Jean Ducasse (neveu de Mme Dépeigne) Claude Proust, Michel Florent, Jean Pierre Papon, Henri Rode, Pierre Cheyrou (chez sa tante Mme Crouzal modiste) et un peu plus tard : Jojo Bourdheil et Jean Pierre Jourdes (de La Douze).
Durant les longs moments de loisirs l’on se retrouvait pour pêcher ou se baigner à Font Badal avec parfois la présence appréciée des copines (un chêne tombé en travers servait de plongeoir). Pour y descendre, il y avait le petit bosquet avec sa « balançoire naturelle grâce à une branche de chêne). Les collations se faisaient chez les uns et les autres. Et puis, il y avait aussi les piles de planches de Victorien et Louis Carret avec le chariot de la scie qui permettait de jouer aux indiens et aux cow-boys avec des fusils faits à partir des relèves de pin. Rouffignac à cette époque était une grande famille et personnes ne s’inquiétait des enfants vu le peu de circulation. Sur la route des Piconnies se trouvait le camp de prisonniers allemands surveillé par deux gardiens dont Jean Chaminade et Raymond Dubreuil. Ces prisonniers aidaient aux gros travaux de déblaiement avec le cheval de Léon Lescot ou bien étaient employés dans les entreprises renaissantes (notamment scierie Leymarie et Carret). Jeannot se souvient aussi des parents qui allaient chercher l’eau à Font Badal mais aussi aux Fontaines avec deux seaux maintenus à distance par un arceau rond ou carré. Jeannot se souvient aussi de cette luge fabriquée avec un cageot et des lames de lambris. Elle leur avait permis de tenter la descente plus que risquée sur la pente enneigée du château du Cheylard mais qui, brusquement face à une rangée de fils de fer, les avait obligés à s’allonger en catastrophe pour passer dessous sans s’accrocher…. Jeannot se souvient aussi de l’arc de Jojo mais surtout de sa bicyclette bricolée par le père Alfred qui avait remplacé le guidon par un volant de voiture, les deux pédales fonctionnant en même temps que la roue fixe. L’idéal pour une chute derrière le cimetière … Jeannot se souvient aussi un peu plus tard des sorties sans permis, aux bals des environs ave la moto 175 cm3 prêtée par un copain ou avec la C6 de Jojo passant un peu inquiets devant deux motards de la gendarmerie…
Et pour conclure avec son éternelle bienveillance, d’avouer que « ce fut une période d’insouciance et de joie de vivre ».

Son côté artiste en peinture et sculpture lui vient de l’école primaire avec M. Perche mais aussi de M. Norbert Perrot puis de son école professionnelle de Puteaux où son prof était un « Fou de Peinture ».
Après le 31 mars 1944
Souvenirs de René Michel Célérier.
(né le 5 Août 1938 à Payzac de Lanouaille)

« Après l’incendie de Rouffignac nous (ma mère, mon frère et moi) avons été hébergés pendant quelques temps au château de Tourtel. Un jour nous voici à la Gélie pour prendre le train en direction de Périgueux, où ma mère avait pris contact avec le responsable des Caïffa de la Dordogne. (Chaîne de magasins spécialisés dans la vente du café). Ce dernier lui ayant proposé de gérer le magasin d’Eymet, il nous y accompagna.
Là-bas nous avons été considérés comme des réfugiés.
Mon frère et moi nous n’allions pas à la même école. Moi je me suis retrouvé dans une école gérée par les sœurs. Il fallait réciter des prières plusieurs fois par jour. Je m’y ennuyais tellement qu’un jour j’ai fait l’école buissonnière. Des personnes ont prévenu ma mère que j’étais en train de m’amuser auprès du moulin d’Eymet. Ensuite je ne suis plus retourné dans cette école car les vacances approchaient.
Ma mère ne gagnait pas beaucoup d’argent avec son commerce. Elle faisait de la couture chez les particuliers qui le souhaitaient. Ensuite on lui a prêté une machine à coudre et elle a pu travailler à domicile. Elle s’est spécialisée dans la confection des pantalons.
Nous nous amusions avec une petite voisine et nous nous sommes rendus compte qu’elle mangeait une tartine de beurre tous les jours pour son goûter, alors que nous n’en avions pas. Aussitôt nous en avons demandé à notre mère qui nous a dit qu’elle ne pouvait pas nous le payer et elle nous interdisait de revenir jouer avec la petite fille. Par la suite sa maman s’est entretenue avec la nôtre et elle lui a proposé de nous donner le même goûter qu’à sa fille. A partir de ce moment-là nous avons pu continuer à nous amuser ensemble tout en appréciant le geste de cette maman.
Pour améliorer l’ordinaire nous péchions des calicobas (perches arc-en-ciel) dans le Dropt, rivière qui passe à Eymet.
En Juin 1945 notre père est rentré d’Allemagne et je ne l’ai pas reconnu car j’étais trop petit lors de son départ, à la mobilisation générale. Employé comme jardinier notre vie s’en trouva améliorée.
Et comme un jour, la mairie de Rouffignac nous informa qu’un baraquement nous était attribué, nous y sommes revenus fin 1945.
Ma mère a recommencé à vendre les denrées du Caïffa. Mon père employé dans l’entreprise Delayre, a aidé à démolir les ruines de Rouffignac en vue de la reconstruction. Il a également surveillé le camp des prisonniers Allemands au château du Cheylard sympathisant même avec un prénommé Edmond, qui nous a fabriqué une armoire avec des planches de récupération et pour nous les enfants, il nous a offert une petite maison faite en contreplaqué et peinte, avec un toit de papier goudronné. Cela nous a fait chaud au cœur et nous a permis d’oublier un peu, la découverte de notre fidèle coq apprivoisé, tué par un voisin dans la fosse des WC communs.
Lorsque les Allemands sont partis de Rouffignac, mon père a trouvé du travail dans l’entreprise forestière Fontalirant. Et grâce à l’acquisition d’un vélo, malgré mes petites jambes, je remplaçais de temps en temps mon frère aîné Eugène, pour porter la gamelle à notre père. Mon frère et moi allions à l’école à Tourtel – lui avec Monsieur Chaussade et moi avec Madame.
En Novembre 1947 mes parents ayant rassemblé l’argent provenant des indemnités des pertes de meubles et de voiture, ajoutées à un petit héritage de nos grands-parents paternels vivant en Haute Vienne , ils réussirent à acheter (sous forme d’un crédit) la ferme de Peylon. Ils furent obligés de travailler durement pour honorer les traites au grand Dam du prêteur qui n’y croyait pas. Lors du déménagement avec l’aide de la charrette de Monsieur Desthomas, la majeure partie de notre linge contenait dans une malle en osier.
Le matériel trouvé à l’arrivée était fort vétuste et le rapport de la ferme obligea mon père à faire en plus du charbon car la propriété ne rapportait pas assez. La ténacité de mes parents permit petit à petit d’acquérir quelques vaches puis des moutons avec des chèvres et un bouc que je gardais. D’ajouter à son sujet, un petit souvenir où, alors qu’assis au bord du ruisseau de Font-Crue je lisais tranquillement et le bouc d’humeur belliqueuse m’y poussa sans avoir pu réagir m’obligeant ainsi à rentrer tout « trempé » à la maison.
Puis ma mère se mit à élever de la volaille qu’elle vendait sur le marché à Thenon ou par le bouche à oreille. Quant à mon père il s’est lancé dans l’élevage de veaux, de cochons et une truie qui avait toujours de beaux porcelets. C’était une vie laborieuse que nous partagions mon frère et moi de notre mieux.
Un jour que l’entreprise Louis Carret était venue abattre un marronnier au milieu de la cour, il me proposa de me prendre comme apprenti charpentier. Ce que je fis et ce, jusqu’à mon départ à l’armée.
En conclusion, mes parents ont toujours beaucoup travaillé mais jamais ils n’ont réussi à s’offrir d’aussi beaux meubles que ceux qui avaient été réquisitionnés le 31 Mars 1944 et envoyés en Allemagne. La guerre de 39-45 et l’incendie de Rouffignac ont profondément modifié leur existence, comme tant d’autres…. »
Témoignage de Michel Florent (Année 2018)

Michel Florent cousin germain de Jean Claude Bochet avait 7 ans lors de l’incendie de Rouffignac, il nous conte ses souvenirs de cette période puis celle de son adolescence.
Parisiens et connaissant les risques encourus dans cette capitale tourmentée, son père l’avait confié avec sa mère en 1943 à sa grand-mère qui vivait près de l’église, Rue des Fontaines. Il connut ainsi avec son voisin M. Reisdorff ancien légionnaire luxembourgeois grand blesse de la guerre 14/18 et sa famille. Il assista à l’arrivée impressionnante en hommes et matériels des allemands et il suivit les tragiques événements du 31 mars 1944.
La proximité de son habitat ainsi que sa curiosité l’amena à suivre Monsieur Reisdorff qui parlait allemand s’entretenir avec un officier qui regardait à la jumelle en direction de Plazac et qui lui dit que Rouffignac allait brûler en représailles, excepté l’église et les maisons autour. Les femmes et les enfants seraient aussi épargnés comme les deux motocyclistes prisonniers des maquis avaient pu s’échapper sains et saufs. Pour les hommes ils seront rassemblés sur la place et c’est ainsi qu’Il vit également Monsieur Lablénie sur la place recevoir une gifle.
Il se souvient aussi que sa grand-mère travaillant comme cuisinière au château du Cheylard avait pu profiter de l’offre faite par Monsieur Bardet d’utiliser l’âne et la charrette pour évacuer du bourg et se rendre à La Croix Du Verdier chez son oncle et sa tante
Dans la soiree toute la famille assista au sinistre de Rouffignac
Un peu plus tard lors de visites à sa grand mère il se souvient de la venue de « Soleil » et d’une importante réunion de maquisards dans un des hangars du Cheylard.
Et puis, la vie continua avec l’école à pied avec les galoches en bois ferrées par Martin Florentin, de La Bossenie à Tourtel où enseignaient Mesdames Dépeigne et Chaussade et Messieurs Perche et Chaussade
. Michel se souvient de la gamelle emportée pour la soupe de midi réchauffée par madame Lescure Il se souvient également des prisonniers allemands installés dans les baraquements entre le Cheylard et la route des Piconnies qui déblayaient les décombres sous la direction de Léon Lescot et de son cheval. Et quel souvenir lorsque tout fier et avec tous les écoliers il accompagna le général De Gaulle lors de sa venue en mars 1945.
Mais il se souvient également de l’arrivée de son père à l’école de Tourtel venu pour le ramener à Paris. Il perdait ses habitudes et surtout ses premiers copains dans ce village en pleine reconstruction. Ils s’amusaient à faire des cabanes secrètes dans les ronciers qui entouraient le château du Cheylard ou Les Piconnies et qu’ils protégeaient de toutes incursions, sans oublier la balançoire sur la branche d’un chêne situé entre Font Badal et la « Cité ». Il y avait connu une ambiance amicale et fraternelle d’entraide et de bonne humeur qui le marquèrent profondément.
Michel s’adapta difficilement à sa nouvelle vie parisienne mais eut le bonheur de revenir toutes les vacances à la Croix de Saint-Roch chez sa grand-mère dans la maison mise à disposition par la famille Bardet.
Il retrouva ses anciens copains formant petit à petit une bande plus sérieuse composée à la demande de Jean Ducasse, Eugène et Michel Célérier, Claude Proust, Jean Pierre Papon, Jojo Barry Jeannot Richard, Enrique, Perrot, Jean Pierre Jourdes et son proche voisin Antonio Carabella futur grand joueur chez « Les Mammouths » mais aussi néné Alexis et bien sûr les fils Bardet. Cette équipée se faisait et se défaisait en fonction des jours, des dispositions et des souhaits. Ils se retrouvaient pour pêcher à Font Badal mais aussi pour y nager puis, pour le « quatre heures » aller tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre avant de fréquenter les fêtes foraines rouffignacoises.
Et par ailleurs, pour les gamins du village c’était l’admiration devant ces jeunes élégants, les « parisiens » avec tout son sens évocateur, qui arrivaient pour Noël, Pâques et les grandes vacances, sans oublier une certaine bicyclette bleue appartenant à Michel, un demi-fond rutilant qui freinait en fonction d’une certaine position des pédales : une merveille !!!
Souvenirs d’Yvette Cabrillac pendant la Reconstruction
(Consulter à la demande, le plan des baraquements réalisé par Jean Louis Richard dans cette même partie : « Rouffignac Après le 31 mars 1944 »).
« Mon père Flavien habitant le quartier Saint-Georges à Périgueux et employé de l’entreprise Delayre, a été envoyé très tôt à Rouffignac pour, dans un premier temps, être responsable de la remise en état des routes. Durant plusieurs mois il logea avec d’autres compagnons dans un grand baraquement (actuellement entre le château d’eau et la route des Piconies). Mais avec la somme de travaux engagés pour cette reconstruction, son patron lui assura qu’il y en aurait pour très longtemps, aussi décida-t-il de faire venir sa famille, c’est à dire ma mère et moi, tout en gardant le petit logement de Périgueux pour assurer le retour.
La décision fut très vite acceptée par ma mère car mes grands-parents maternels habitaient St Léon sur Vézère et cela permettait de réaliser un vrai regroupement familial. Celui-ci dura donc de début 1945 à juin 1953 date à laquelle du haut de mes 10 ans et juste avant les vacances scolaire, je quittais mes amis pour regagner Périgueux. Dans un premier temps nous logeâmes dans une pièce d’un baraquement « en bande », situé dans le bas du bourg et non loin de l’ancienne école de filles.
Je rapporte à présent la vie au quotidien avec ma mère. Elle cuisinait sur le poêle qui servait à chauffer et mon père, avec quelques planches, m’avait fabriqué un châlit. Ce baraquement un jour, brûla totalement. Y habitait également entre autres un représentant ou vendeur et/ou de poudre et cartouches qui auraient pu être la cause de ce sinistre ? Si je m’en souviens c’est que ce jour-là, ma mère et moi étions chez mes grands-parents et que je m’étais fait un plus ou moins gros « bobo » et qu’à notre arrivée notre surprise fut grande de voir notre logis en cendres. Nous habitions en effet à l’extrémité du baraquement mais que, heureusement, quelqu’un avait pu sortir quelques habits et 2 ou 3 bricoles contenues dans la pièce. Et c’est ainsi que nous nous sommes retrouvés à La Croze chez ma grand-mère. Mes 5 ans approchaient et je devais donc rentrer à l’école au Cheylard. Il fallait trouver un nouveau logement pour m’éviter le trajet à pied.
Nous avons été relogés derrière la boulangerie « Laval » où plusieurs familles y étaient installées, mais je suis certaine que le contremaître de l’entreprise Delayre y avait une pièce faisant office de bureau. Là, nous avions 2 pièces, une cuisine avec une petite cuisinière et une chambre où nous sommes restés quelques mois ou un an, pas plus…. Pour l’eau je me souviens d’une fontaine en contrebas (certainement Les Peyrots). On y allait par le chemin passant devant le baraquement.
Mes souvenirs deviennent plus précis. Nous avons déménagé en face, de l’autre côté du chemin. Déménagement vite fait, nous n’avions que l’indispensable. Notre nouvelle « demeure » ! Un vrai trésor avec 3 pièces ! Une cuisine au milieu, une chambre à droite et une pièce à gauche où mon père à présent chef de chantier, s’était construit un bureau avec 4 planches où enfin il pouvait laisser sur place les plans des maisons en cours. Pour notre « confort », avec quelques planches pour les étagères et la pose de rideaux nous disposions d’une armoire, Il y avait aussi un cagibi pour le bois de chauffage et les vélos. La cuisine communiquait avec 2 autres pièces occupées par mon institutrice et le soir elle nous rejoignait parfois pour jouer aux cartes.
Chaque pièce possédait une fenêtre avec volets. Il y faisait clair, mais l’hiver il faisait très froid et les fleurs de givre ornaient les vitres tous les matins. A cette époque, je me souviens des dimanches matin, bien au chaud sous l’édredon, j’entendais le « disque des auditeurs » à la radio dans la cuisine et je pleurais régulièrement sur la chanson de Berthe Sylva : « Roses blanches ». Moins agréable, les cataplasmes à la farine de lin ou de moutarde (qui piquent affreusement). J’étais souvent malade et bonne cliente du docteur Girma.
Selon les saisons, ma mère « faisait » les haricots, les châtaignes et les noix pour les conserveurs Pompougnac et Delbut. Lorsqu’il y avait beaucoup de haricots verts, ma grand-mère passait la journée à la maison pour augmenter le rendement.
Pour le bois, mon père allait aider des copains et en retour nous avions notre provision de bois. De plus, les maçons de l’époque avaient toujours quelques morceaux de bois sur le porte-bagages du vélo. Tous les échafaudages étaient en pin, scié aux longueurs voulues, le tout tenu par des pointes ce qui, je suppose, devait être source de bien des accidents l’été, lorsque les ouvriers travaillaient en espadrilles.
Avec des planches et du zinc mon père avait fabriqué une sorte d’évier : une partie servait à poser le seau et une autre à poser la cuvette ou la bassine. L’écoulement se faisait par un bout de tuyau qui traversait les planches du baraquement. Je pense qu’à ce moment-là, il y avait une pompe sur la place, il fallait tourner le dessus pour que l’eau arrive.
Ma mère faisait les commissions tous les jours car n’ayant pas de cave, il était difficile de conserver les provisions périssables. Nous faisions travailler, à tour de rôle, les différents boulangers et épiciers. Pour le lait, nous allions le chercher dans une ferme, ma mère le faisait bouillir aussitôt, puis refroidir. L’hiver, elle récupérait la crème de 2 ou 3 jours qu’elle battait avec une fourchette, ainsi avions-nous un peu de beurre. L’été, nous n’en avions pas.
Au fil du temps nous nous installions avec plats et vieilles bassines, ma mère cultivait quelques plantes grasses et géraniums. Devant chez l’institutrice, le précédent locataire avait même planté des rosiers. J’allais toujours à l’école au Cheylard. Mais les nouvelles constructions avançaient, ce qui signifiait pour nous qu’il fallait encore une fois démolir notre logis et aller plus loin.
En y réfléchissant aujourd’hui l’avancée des travaux signifiait pour les Rouffignacois l’entrée dans une maison décente mais pour nous le départ plus ou moins lointain. Bien sûr mes parents le savaient depuis le début et je ne m’en souciais pas.
Un camion de l’entreprise fut nécessaire pour le déménagement suivant. Nous allions à la Cité au n° 3 si j’en crois le plan réalisé par Jean Louis Richard (voir livre pages 79 – 80 – 81). Il s’agissait là de petites maisons toujours en planches (peintes en rose buvard comme tous les baraquements avec couverture en plaques d’éverite. Ces maisons avaient 4 pièces avec un couloir central qui desservait 2 pièces de chaque côté. Nous étions 2 familles dans cette maison. J’ignore si les autres étaient aussi partagées. Donc 2 pièces par famille. Nous avions une cuisine avec une porte donnant à l’extérieur, près du cagibi et une fenêtre. La chambre possédait 2 fenêtres. Nous avions transporté avec nous la cuisinière, l’évier, une table et 3 chaises, les lits à sommier métallique et bien sûr la machine à coudre Singer de ma mère qui lui permettait de nous habiller tous. Nous avions là une sorte de penderie, c’est à dire : un panneau en bois situé à l’angle de la pièce qui fermait avec une porte. Cette porte était vraiment un grand luxe et remplaçait les divers rideaux de camouflage. Notre mobilier s’est complété de 2 tabourets et d’une huche à pain fabriqués par le menuisier du fond de la rue Monsieur Jourdes (n° 18 du plan) faits sur mesure, inusables et toujours en fonction plus de 65 ans plus tard. Merveille ! le minuscule terrain donnant sur la rue possédait un prunier et ma mère put avoir la joie de faire des confitures de prunes d’Agen. Il y avait aussi des iris. C’était presque vivable.
Nous étions en face de la forge (n° 12 du plan) et il y avait donc toujours du mouvement, et surtout nous avions de charmants voisins : un facteur, sa femme et sa petite fille plus jeune que moi. Nous étions du même quartier de Périgueux et la promiscuité qui aurait pu être invivable devait aboutir à une profonde amitié qui dura jusqu’aux décès des uns et des autres.
Parfois nous allions à Périgueux et pour cela nous prenions le car Lalot mais à notre retour, la cuisinière et le logis étaient froids, aussi nous allions parfois souper chez Madame Jourdes. Quand le bar était très occupé, nous mangions parfois dans sa cuisine qui était bien chaude. Il me semble qu’il y avait un grand billard dans le bar…
Pour ma mère, le lundi était jour de lessive. Le dimanche mon père lui préparait un bidon avec de la sciure (donnée par la scierie voisine (n° 29)) en y ménageant un conduit vertical et un horizontal à la base, pour faire bouillir la lessive dans la lessiveuse. L’eau était maintenant disponible « aux tonnes » grands réservoirs cylindriques, noirs je crois, montés sur un gigantesque échafaudage. C’était avant la mise en service du château d’eau en construction à ce moment-là. Sous ces réservoirs d’eau était installé le lavoir communal. Il n’y avait pas l’eau « courante » comme dans ceux installés sur un cours d’eau, aussi l’eau de lavage n’était pas toujours très claire. La veille des lessives ma mère, parfois avec une voisine, allait au lavoir, le vidait, le lavait, le frottait avec un balai et le laissait se remplir, puis revenait fermer l’eau au bout d’un moment. Ainsi le lendemain, elle pouvait laver son linge dans l’eau propre (sauf si une ménagère plus prompte y était déjà passée).
Problème de W.C. Dans les logements précédents, je ne me souviens plus où nous allions. A la cité, il y avait un cabanon au milieu du pré (entre la ligne de baraquements et le n° 26). Ce WC posé-là n’était pas privatif, mais pour 2 maisons soit 4 familles. Régulièrement il s’effondrait et il fallait aussi le curer régulièrement. Travail des hommes.
Je me souviens d’un jour où une vache du troupeau en liberté dans le pré a voulu se gratter contre le bois du WC et qui s’effondra dans la …….., j’étais à l’intérieur et je hurlais « au secours, maman ! »
J’allais maintenant à la belle école neuve avec ses grandes baies vitrées et LES DOUCHES !!!! (mais là, je crains d’être hors sujet)
C’était la fin de la « Reconstruction ». Mon père travaillait de plus en plus souvent sur Périgueux, il s’y rendait avec le camion des frères Vidal et ma mère et moi attendions la fin de l’année scolaire pour partir. J’ai dû donner tous mes cochons d’Inde que j’avais l’habitude de promener dans l’enclos du pré.
Ma vie Rouffignacoise se terminait.
A la rentrée scolaire, ma mère voulut me faire inscrire à l’école de filles de St Georges. La directrice horrifiée, constata que je n’avais aucune vaccination. Je ne devais pas être la seule dans ce cas à Rouffignac. Je pense que s’il y avait eu des visites médicales le médecin scolaire s’en serait aperçu.
Y en avait-il ? »
