CE 31 MARS 1944
Ce 31 mars 1944
Ce 31 Mars, comme à l’accoutumée, s’ouvraient les volets des commerces, les ouvriers regagnaient leur poste de travail, les écoliers récitaient leur dernière leçon de morale avant le départ pour l’école. Le ciel était dégagé, laissant présager une belle journée printanière qui rapidement laissa place à l’angoisse puis au drame.
Témoignage de André Durand
« J’avais 14 ans et me rendais à bicyclette comme tous les jours à l’école de Rouffignac avec M. Chaussade. Dans la ligne droite de la Pinsonnie, je m’arrêtais discuter avec les jeunes Queyroi et Fournier qui eux allaient à pied à l’école de La Borderie. Soudain apparut venant de Périgueux, une colonne allemande. Mes camarades pris de peur, se sauvèrent à travers bois quant à moi, je m’engageais rapidement dans le chemin de la Borderie. Les armes crépitèrent, les balles sifflèrent, une automitrailleuse essaya bien de me suivre dans le chemin mais fit bien vite marche arrière bloquée par les arbres bordant de trop près le chemin… Portant des pantalons longs, m’avaient-ils pris pour un maquisard ? Toujours est-il que passant par La Borderie je regagnais le domicile de mes parents à Vimont ».
Témoignage de Robert Nicolas
« Vendredi matin, je poussais avec mon père le « charretou » que j’ai d’ailleurs toujours, pour aller faire des plâtres au château de Tourtel. J’ai vu arriver les premières automitrailleuses allemandes. Blotti derrière la haie, je vis les véhicules faire un premier arrêt à hauteur du château afin de permettre aux soldats de se poster en tirailleurs derrière les tas de fumier disséminés dans le champ des Farges…. Pendant qu’ils investissaient le bourg, le château fut encerclé avec interdiction d’en sortir. Par deux fois les allemands vinrent chercher M.Delpeuch pour le questionner. Au retour il nous annonça que le centre du bourg serait incendié…. » Nous « bricolâmes » toute la journée et ayant appris que Rouffignac allait brûler mon père partit récupérer quelques biens avant de revenir à Tourtel.
Bien vite, dans notre localité se fait entendre le ronflement sourd mais caractéristique des colonnes motorisées arrivant donc de la route de Périgueux semant l’inquiétude au sein de la population. Les camions remplis de soldats les armes à la main, plaqués contre les ridelles prêts à tirer, suivis d’automitrailleuses descendent la Grand Rue s’arrêtant sur la place pour les uns poursuivant jusqu’au carrefour de La Falquette pour les autres. L’objectif étant de cerner au mieux le bourg afin d’éviter toute fuite. Certains comme Gabriel Bonnet réussiront à s’échapper après avoir essuyé quelques rafales de fusil mitrailleur, avertissant en passant la population des abords immédiats de ce qui se passait afin de les empêcher de venir se ravitailler dans le bourg.
Témoignage de Gabriel Bonnet
« j’avais 26 ans, jeune marié de février 1943 et demeurais Rue des Fontaines près de notre actuelle maison. Tous les matins je me rendais à 7 heures à l’embauche chez M.Carret charpentier et après les premiers travaux à la scie, je descendais « casser la croûte » à 8 heures. Ce matin là je remontais donc vers 8 heures 30 vêtu de mon costume de démobilisation (donné à Lyon car prisonnier au front de Meurthe et Moselle le 21 juin 1940, j’avais gagné à pied Sarrebruck puis Heidelberg en train . Rapatrié comme soutien de famille, j’étais démobilisé en 1941 avec l’abbé Roumagne et Fernand Verdier). Je fus donc interpellé par les allemands qui cherchaient le maquis mais qui me laissèrent passer. Rencontrant M.Delbut il me conseilla de fuir ce que je fis après avoir averti mes compagnons du chantier. Arrivé à Saint-Roch j’entends crier du carrefour de chez M.Lalot puis crépiter les armes allemandes. Je plongeai sous la clôture de fil de fer barbelé pour gagner Font Badal. Me voici au Cheylard où j’avertis les ouvriers de l’usine de M.Bardet que les allemands me suivaient. Traversant la zone marécageuse de Font Pétière, j’y perds un sabot mais sans perdre de temps pour le récupérer, j’arrive au Buisson où mon ami Lucien Lasserre était en train de faire du bois de chauffage… »
Il faut rappeler que si les hommes tentèrent de fuir au plus vite c’est suite aux rumeurs ayant déjà circulées et prouvées par certains témoignages dont celui de Fernand Laval boulanger qui lui aussi sera conduit par la suite au 35° à Périgueux :
« Je me souviens en effet qu’avait déjà circulé deux ou trois fois une rumeur prédisant l’arrivée imminente allemande décidée ayant pour objectif d’emmener tous les hommes. Si bien qu’un matin très tôt, équipés en un clin d’œil, nous nous retrouvâmes une vingtaine d’amis et voisins dans la grotte de Granville pour y trouver refuge…. finalement pour rien… »
8 heures 45 environ le bourg est encerclé…
Témoignage du 14 décembre 2008 de Christian Eymard
Donc ce 31 mars 1944 du haut de ses 15 ans Christian se rendait comme tous les jours à l’école à pied avec Robert Rousset son copain. Ils passèrent à Grolet et ils y virent une dizaine d’hommes en train de « casser la croûte » sous le tilleul à côté d’une traction noire. Ils poursuivirent leur chemin mais en arrivant chez René Monribot ils virent installées au carrefour, deux mitrailleuses allemandes. Aussitôt de descendre aux Servottes et d’aller avertir le maquis que les allemands étaient là. Au début ils ne les crurent pas mais la traction partit enfin vers Plazac.. De leur côté, ils arrivent à l’école et sont amenés en rang devant chez le boulanger Nebout, les hommes à droite, les enfants de l’autre côté à gauche. Des allemands devant une table questionnaient les hommes les uns après les autres, l’un n’ayant pas retiré sa casquette fut assez « bousculé »…Christian Eymard se souvient l’après-midi alors que les hommes étaient sur un camion à ridelles que M.Pompougnac leur donnait des paquets de gâteaux aussitôt détériorés à coups de crosse par les allemands qui contrôlaient tout…
Témoignage de Claude Baylé et l’arrivée des allemands par la route de Plazac Départementale 6
Claude Baylé se fait le porte-parole de Roger son père cantonnier départemental sous les ordres du chef cantonnier Florentin Delpech :
« M. Baylé Roger qui habitait rue des Fontaines, regagnait à vélo son point de travail, route de Plazac. Arrivé au tournant de Grolet, il vit trois ou quatre maquisards qui poussaient hors du hangar leur véhicule, une traction. Roger Baylé poursuivit et, arrivé à la hauteur de l’actuelle cabane de M.Boutinaud , il posa son vélo pour se mettre au travail. C’est à ce moment qu’arriva Pierre Courserand qui montait à bicyclette de Plazac, voyant Roger Baylé il s’arrêta aussi content de bavarder que de reprendre son souffle. Peu après, les maquisards vus précédemment à Grolet, lui demandèrent s’il n’avait pas vu les allemands sur Plazac mais, après leur avoir répondu par la négative, déboucha du tournant une voiture allemande avec un officier de liaison et son chauffeur. Aussitôt ils furent pris sous le feu sans doute du pistolet des maquisards car s’ils avaient utilisé une arme plus puissante ou une grenade, Roger Baylé qui s’était glissé dans le fossé à hauteur des allemands, n’aurait pu porter ce témoignage. Après ces échanges de tir, les maquisards plongèrent dans le bois pour disparaître y laissant sans doute le pistolet qui fut retrouvé de nombreuses années plus tard par le fils de M. Thomanne.
Peu après arriva une automitrailleuse et le gradé rapidement mis au courant, se positionna direction Touvent pour tirer quelques balles perforantes du canon de 37 ainsi que quelques rafales de mitrailleuse en direction des fuyards ou de tout ce qui bougeait.
Pierre Courserand avait eu le temps de partir laissant son béret sur place, celui-ci fut récupéré par M. Baylé qui le ramena avec quelques douilles éjectées. De cet accrochage nous eûmes par la suite le témoignage de Jean Pierre et Simone Lafaysse qui habitaient Marzac et où l’on retrouva 8 impacts d’obus de 37 .dont un, non explosé qui restera une vingtaine d’années dans la poutre de la cheminée ».
Jean-Pierre Lafaysse
qui avait 11 ans à l’époque : « Nous habitions Marzac et étions partis avec mes deux sœurs à l’école. Nous nous trouvions dans le bourg lors de l’arrivée des allemands et sommes entrés chez la Julia Delbos pour nous mettre en sécurité avec Paul Roger et Maurice Florenti. Mais entra un allemand qui nous fit comprendre qu’il valait mieux partir et, sans perdre de temps je regagnais Marzac. C’est à ce moment là, vers les 9 h 30 qu’avait lieu l’accrochage avec 3 ou 4 maquisards qui montaient vers moi. Entendant soudain la lucarne de la couverture de notre habitation s’effondrer, je m’enfuyais inconscient du danger rejoindre mon père qui travaillait aux « Maurézies ».
Simone (la sœur et épouse de Claude Baylé)
« Me rendant à l’école, j’arrivais à l’entrée du bourg lorsque j’entendis les tirs, je fis demi tour pour revenir à mon domicile à Marzac. Mais au carrefour de Touvent, un allemand me conseilla de ne pas continuer et de rester chez Monsieur Cirozat avec la fille dans la petite maison près de l’actuelle demeure de M.Bappel »
Concernant ces tirs, René Monribot nous apprit que : « lorsque les allemands tirèrent de Grolet sur les maquisards en fuite, ils laissèrent également des impacts de balles visibles de nombreuses années, dans le bâtiment acquis par son frère Raymond à Touvent (près de l’actuel camping de l’Olive Bleue).
La mairie
Pendant ce temps les soldats avaient envahi le bourg et quelques-uns s’étaient rendue à la mairie où se trouvaient le maire Monsieur Lablénie et son secrétaire Monsieur Delmontel. Ils voulaient à tout prix leur faire avouer où se trouvait le maquis mais face à leur mutisme, l’interrogatoire devint de plus en plus menaçant et se poursuit par des coups sauvagement frappés de ceinturon de cuir et de bottes cloutées. Madame Cirozat venue à la mairie, fut prise pour une secrétaire et pensant qu’elle ne désirait transmettre les dossiers, fut sérieusement inquiétée.
Témoignage de Mme Cirozat
« Le 31 mars, je suis allée à Rouffignac pour me faire remettre une carte d’identité et pendant que j’étais à la mairie sont arrivés les allemands. Me prenant pour une secrétaire, ils me questionnèrent et me gardèrent un fusil derrière le dos. Mon mari qui commençait à s’impatienter se dirigea vers Rouffignac et il demanda aux allemands s’il pouvait venir voir ce que je faisais. Ils répondirent qu’avec la carte d’identité c’était possible. Tous réunis sur la place, ils m’ont par la suite relâchée mais gardèrent mon mari pour l’emmener au 35° à Périgueux. Avertie par le maire M. Lablénie qu’on allait brûler Rouffignac, je pris de retour à Gaillet, une paire de vaches et partis au Maine chez M.Lescure en amenant mes 2 enfants avec un peu de nourriture. Nous étions une vingtaine, avons couché par terre et à 10 heures du soir nous avons vu brûler Rouffignac. Tout le monde se mit à pleurer. Vous voyez comme on a passé de mauvais moments et tout ce que je souhaite c’est que cela ne revienne pas…..»
Un officier ne manqua pas de lancer en direction de M.Lablénie « hier, vous étiez très joyeux » « mais hier j’étais absent » répondit-il, ce qui exacerba encore l’officier qui ajouta « ceci sera bien fait pour votre sale gueule » sachant bien sûr ce qui allait se passer. Déclarés responsables de « l’attitude hostile » montrée la veille par la population, l’officier, le regard en furie ordonna à M. Lablénie de rassembler tous les hommes sur la place, ajoutant « tous ceux qui ne se présenteront pas, seront fusillés ». Et les malades ajouta le maire… on s’en fout… Vers les 11 heures 30, tous les hommes valides dont 2 vieillards de 88 ans furent ainsi rassemblés place du Foirail sur deux colonnes. Les plus de 50 ans et les moins. L’interrogatoire individuel commença… qu’en dire si ce n’est les examens de conscience…les pensées pour les parents ou les proches…la peur d’avoir été dénoncé… jusqu’à l’arrivée inattendue « des 2 ex prisonniers allemands de la veille ». Ils passèrent entre les deux rangées des hommes retenus en otage, ne reconnaissant ou ne voulant reconnaître personne et pourtant… Un ouf intérieur de soulagement dut se faire entendre dans le for intérieur des otages toujours retenus face au mur.
Gérard Semond (Témoignage du 18 décembre 2008)
« J’habitais Balou et allais à l’école à pieds. Ce 31 mars j’étais assis sur une grosse pierre dans la cour près des toilettes, peu avant 9 heures. Un jeune allemand s’avança pour contrôler les toilettes, il me serra la main gentiment puis s’éloigna. … A midi j’allai déjeuner chez mon oncle Fernand Laval boulanger L’après-midi ma cousine de La Tour : Gabrielle Boudy venue chercher sa fille à l’école me ramena vers les 13 h 30. Je vis le père Reisdorff sur la place avec ses béquilles puis sur la route de Thenon un petit détachement d’allemands à l’entrée du bois de chez Lirant et une mitrailleuse installée sur le garage à gravillons à l’embranchement de la route de Peyrebrune. Plus tard je vis passer les camions dont un avec une mitrailleuse et mon oncle sur le plateau qui me fit « au revoir ». Puis ma grand-mère et arrière-grand-mère arrivèrent ensuite avec leur charretou rempli d’objets de première nécessité. »
Paul Roger (début 2009)
J’habitais à la Mouthe et venais à l’école tous les matins avec Maurice Florenty des Chaboissies. Vers les 8 h 30 arrivant au carrefour nous vîmes passer sans trop d’inquiétude les camions remplis de soldats allemands. Mais un allemand nous fit comprendre qu’il valait mieux ne pas continuer. Nous partîmes donc chez la Julia pour jouer aux boules dans le jardin jusqu’à ce qu’un soldat nous offre un bonbon en nous faisant signe de partir. Nous regagnâmes nos domiciles mais en passant à Gaillet, nous vîmes devant chez M. Clèment une mitrailleuse pointée vers… La Fromentinie… Nous descendîmes et arrivâmes à la fontaine mais au lieu de monter à découvert, avons préféré contourner le vallon pour ne pas être vus.
Déclarés responsable de « l’attitude hostile » montrée la veille par la population, l’officier, le regard en furie ordonna à Monsieur Lablénie de rassembler tous les hommes sur la place, ajoutant « tous ceux qui ne se présenteront pas, seront fusillés ». Et les malades ajouta le maire… on s’en fout…
Ce fut Raymond Buc garde champêtre qui fut chargé d’avertir la population avec son tambour. Inutile de vouloir traduite l’état d’anxiété dans lequel se trouvaient les habitants lorsque furent rassemblés tous les hommes vers les 11 heures place du foirail, les plus de 50 ans d’un côté et les moins, de l’autre. L’inquiétude des épouses dont les maris travaillaient à l’extérieur ou avaient fui, croît rapidement pour se transformer en anxiété. Certaines iront chercher « l’absent ».
« Quant à moi, ayant appris que tous les hommes qui ne se présenteraient pas, seraient fusillés je partis par le Chemin de La Deymarie pour aller chercher mon papa qui travaillait une terre aux Mazeaux . Après explications nous regagnâmes le bourg mais, arrivés au tournant de Boujou, deux sentinelles s’avancèrent et nous conduisirent sans ménagement l’arme pointée dans notre dos, jusque sur la place du foirail. Un peu plus tard un allemand me fit comprendre de regagner ma maison….
Lorsque mon papa fut libéré et qu’il nous apprit que nous devions partir, il installa sur le charretou des draps, du linge ainsi que la chaise du « petit » accroché sur une ridelle. Nous glissions ensuite le « petit » dans la poussette avec un peu d’argent sous les couvertures. Un allemand nous avait dit d’emporter tout ce que nous pouvions, nous laissant faire jusqu’à ce que d’autres nouvellement arrivés ne se précipitent pour enlever tout ce qui les intéressait. Arrivés aux Mazeaux, un voisin nous prêta un matelas et nous confectionnâmes un sommier avec des sarments de vigne. »
André Desthomas (Début 2009)
Dédé avait 6 ans et vécut le même petit « événement » avec son copain Gérard Semond le 30 mars 1944 alors qu’ils s’amusaient avec une « mini mitrailleuse jouet ».
Par contre il se souvient de son arrivée en haut du bourg le 31 mars alors qu’il se rendait à l’école (classe de Mme Depeigne): « voyant les soldats au carrefour, je fus recueilli par les 2 « polonaises » qui habitaient près de chez Mme Depeigne. Puis je repartis chez mes parents à Gaillet. Je vis également ce matin-là, l’arrestation de Pierre khantine à son domicile ( actuelle 1° maison à gauche en allant sur le Petit Gaillet). Il habitait dans la petite maison juste derrière et, entre ouvrant les volets, je vis les allemands l’arrêter; ce qui me valut quelques gifles de ma grand-mère…. Inquiète des risques encourus… »
Dans le courant de l’après-midi, je vis passer Mme Lablénie et Monsieur, le visage tuméfié qui se rendaient dans leur propriété de La Mouthe.
Témoignage de M. Barry Alfred (42 ans)
« Le mercredi 29 mars vers les 10 heures, je vis arriver une traction Citroën récupérée sans clé et remorquée par le maquis jusqu’à mon garage pour sa mise en marche, après une petite remise en état. Le jeudi 30, le maquis m’apportait une batterie neuve et à l’aide d’un fil rouge je la branchais directement à la bobine en leur laissant le fil pour au cas où ?… Le lendemain matin 31 mars, les allemands me ramenèrent cette voiture récupérée lors de l’accrochage de Grolet. Et premières questions : connaissez-vous ce véhicule ? Le maquis ? Non bien sûr, fut ma réponse mais je sentais les sueurs froides descendre dans le dos, en suivant des yeux un allemand qui farfouillait dans mon outillage. Pourvu qu’il ne remarque pas les 200 mètres de fil rouge compromettant sur l’établi ?…j’étais ensuite conduit sur la place… puis vers Azerat et le 35° à Périgueux»
Témoignage de Georges Barry (son fils)
« Habitant près de la halle, je me rendais à l’école non sans avoir remarqué les automitrailleuses qui descendaient la rue principale. Arrivé dans la cour de l’école, les instituteurs nous dirent de rentrer à la maison, ce que je fis. Je me souviens de l’arrivée dans la maison des allemands qui s’empressèrent de manger et boire ce qu’il y avait sur la table du débarras puisque le cochon avait été tué et que mes parents étaient prêts à le mettre en bocaux… »
« Je me souviens avoir poussé la poussette de ma sœur pour aller nous réfugier au Buisson et même d’un jeune allemand qui m’avait donné quelques gâteaux… mais ma mère m’avait dit de ne pas les manger, qu’ils étaient empoisonnés. Et plus tard lorsque mon père revint je me souviens aussi des croûtes sur son visage non rasé ».
Il faut également signaler les témoignages d’enfants s’étant vu offrir des bonbons par des soldats allemands (dans la cour de l’école) ou leur avoir fait comprendre de repartir chez eux ou même avoir conseillé à certains de préparer les affaires pour un départ…
Vers les 11 heures 30, tous les hommes valides dont 2 vieillards de 88 ans furent ainsi rassemblés place du Foirail sur deux colonnes. Les plus de 50 ans et les moins . L’interrogatoire individuel commença… qu’en dire si ce n’est les examens de conscience…les pensées pour les parents ou les proches…la peur d’avoir été dénoncé… jusqu’à l’arrivée inattendue « des 2 prisonniers allemands de la veille ». Ceux-ci passèrent entre les deux rangées des hommes retenus en otage, ne reconnaissant ou ne voulant reconnaître personne et pourtant… Un ouf intérieur de soulagement dut se faire entendre dans le for intérieur des hommes toujours retenus face au mur.
Les heures s’égrenaient avec l’épée de Damoclès suspendue au-dessus des hommes toujours aussi stoïques. Quel sort leur réservait-on ? Avaient-ils soif ? avaient-ils faim ? avaient-ils même encore la notion du temps ?
Vers les 16 heures 30 un ordre bref enjoignait les 64 personnes de moins de 50 ans, de monter dans deux camions réquisitionnés pour s’en aller vers une destination inconnue avec quelques tourtes et gâteaux remis à la sauvette par MM. Nebout et Pompougnac.
Un témoignage nous conte comment un jeune couple de Mauzens se rendant ce jour là à Rouffignac pour faire les courses se vit lui aussi embarqué dans cette inextricable spirale de la terreur et amené sur la place avec tous les hommes. Heureusement que le mari, réussissant à se faufiler dans la colonne des plus de 50 ans put ainsi éviter des lendemains plus dramatiques.
Témoignage de Claudine Gorce-Courret ( 2009 et 2014)
« Le matin du 31 mars 1944, mon père, Alphonse Gorce, entrepreneur de maçonnerie à Mauzens et Miremont, devait passer par Rouffignac à bord d’un camion conduit par un chauffeur, pour aller chercher des tuiles dans les environs. Le camion transportait également le vélo de ma mère qui comptait, une fois quelques emplettes faites, revenir à Mauzens par ses propres moyens. Un peu avant d’arriver au village, ils virent sur le bord de la route un habitant qui leur dit que les Allemands étaient sur les lieux. Le chauffeur du véhicule lui répondit qu’après tout, ils n’avaient rien à craindre et qu’ils iraient tout de même chercher les matériaux.Une fois parvenus à Rouffignac, ils se virent intimer par les nazis, l’ordre de descendre du véhicule ; ils furent conduits sur une place où les Allemands amenaient les habitants qu’ils faisaient sortir de chez eux et qu’ils répartissaient en deux groupes : les femmes d’un côté, les hommes de l’autre; ma mère et mon père furent donc séparés. Bientôt, les nazis commencèrent à faire monter des hommes jeunes dans des véhicules ; voyant cela, mon père (il avait alors 34 ans), se trouvant au dernier rang de la colonne, réussit à se glisser parmi les hommes plus âgés. Ils restèrent ainsi toute la matinée et une partie de l’après-midi sous la surveillance de sentinelles. Pendant ce temps, les soldats allemands entraient et sortaient des maisons, emportant des victuailles et des bouteilles de vin en se regroupant ici ou là pour faire bombance. Vers la fin de l’après-midi, les quelques soldats qui gardaient les femmes et les hommes âgés, plaignant sans doute leur part du festin, abandonnèrent leurs postes respectifs en faisant signe à leurs prisonniers de partir. Mon père se précipita alors sur le vélo du curé Monteil, prêtre du secteur, qu’il avait repéré (ce dernier avait été emmené par les Allemands). Ma mère enfourcha promptement le sien et tous les deux partirent en pédalant le plus vite qu’ils purent : la très longue descente vers Mauzens et Miremont facilita également leur échappée. Le lendemain matin, mes parents virent des papiers en partie calcinés avec en-têtes de la mairie et aussi, je crois, de l’école de Rouffignac, que le vent avait transportés jusque devant leur maison ! J’avais un an et deux mois : je rapporte ici ce qu’ils nous ont souvent raconté, à moi, à mon mari et à notre fils Nicolas, laissant de côté les différents états d’âme dans lesquels ils étaient passés au cours de cette longue et pénible journée, certains détails restant trop flous dans ma mémoire pour que je les retranscrive avec précision… »
Témoignage de Gabriel Goursolle
« Le matin du 31 mars vers les 8 h 30 alors que je préparais du bois chez M. Delbut, j’entendis crépiter vers la Pinsonnie le tir d’armes automatiques. Peu de temps après ce fut le roulement des camions, des automitrailleuses, le bourg était cerné. Je pris aussitôt la fuite au Peyrot où je me cachais dans les genévriers de l’Albétie. C’est là que le tir recommença venant de Grolet en direction de maquisards fuyant vers Touvent. J’arrivai à l’Albétie et trouvai le gendarme Sureau en civil. Ne pouvant poursuivre, l’on décidait rapidement, de regagner la localité pour se cacher dans la cave de la gendarmerie. Hélas vers les 10 h 30 l’allemand est devant la boucherie Vilatte, l’arme à la main qui nous ordonne de grimper dans un camion. Nous y trouvons 3 personnes : Mme Cirozat et deux hommes de Milhac. L’on nous conduisit sur la place où nous nous attendions à être fusillés. En effet, disposés devant le mur de chez M. Nebout, un détachement prenait position derrière nous. Nous entendîmes M.Buc avec son tambour qui parcourait les rues informant la population que tous les hommes valides devaient se présenter sur la place. Et bien vite nous fûmes entourés par nos concitoyens tout aussi angoissés que nous. Alignés sur 3 colonnes, les 2 prisonniers allemands de la veille (lors de leur arrêt devant le Café de France) se dirigèrent vers nous. Un officier allemand nous lança « hier vous étiez contents… » Volontairement ou non, toujours est-il que les 2 ex prisonniers allemands n’ont reconnu ou voulu reconnaître qui que ce soit.
Et puis les questions sur le maquis recommencèrent et recommencèrent sans jamais aucune réponse. Mme Nebout réussit à nous faire passer un peu de pain et des grillons puis 2 tourtes que nous embarquâmes plus tard sur les camions. Une fois sélectionnés, il fallut s’installer dans les camions français réquisitionnés…finies les illusions ! Deux automitrailleuses nous escortèrent : une devant, l’autre derrière et nous arrivâmes à Azerat où l’on nous enferma dans la cour de l’école face aux mitrailleuses. Et à nouveau ce fut l’interrogatoire. Puis s’approchant d’une personne, l’officier la gifla brutalement, appela un jeune volontaire qui introduisit 3 balles dans son fusil et 100 mètres plus loin, est abattu Monsieur Khantine professeur à l’Ecole Navale reconnu d’origine juive. A ce moment arriva un messager en moto remettant un pli au commandant. « Vous avez de la chance, tous vers Périgueux. ». Cette chance vient je crois du fait qu’aucune arme n’ait été trouvée à Rouffignac lors des fouilles. A nouveau installés dans des camions allemands cette fois, nous prenons la direction de Périgueux. Mais, sachant que les allemands aimaient les représailles sur les lieux d’acte de terrorisme, je ne reprenais espoir qu’après avoir franchi le croisement de la route de Lalue.
Nous arrivons au 35° où étaient déjà entassés quelques 150 autres malheureux otages et où nous restâmes jusqu’au 4 avril. « Je me rappelle tout comme son ami Jacky Bordas que tous nos excréments étaient dans les coins et que les allemands obligeaient les femmes à les enlever à la main. Le 4 avril nous partions vers la caserne de La Pépinière à Paris puis vers Gratz en Autriche puis en Yougoslavie pour travailler sous terre pour une usine d’aviation… » !
Il nous faut également signaler les témoignages d’enfants de l’époque, qui se rappelaient que « certains soldats allemands leur avaient offert quelques bonbons dans la cour de l’école…» ou même que certains leur avaient fait comprendre de repartir chez eux… ou de préparer leurs affaires pour un… « départ… »
Témoignage du samedi 27 décembre 2007 recueilli chez Jean Mergnat
« Marie Georgette Gautier née Mergnat de parents agriculteurs, avait 12 ans et fréquentait à cette époque l’école, avec Mlle Ramisse institutrice. Elle se rendait seule à l’école à bicyclette pour les 9 heures. Sa cousine Marie Jeanne venait à pied. Dans la classe, comme l’école était un peu surélevée, les enfants voyaient passer par les fenêtres, les pointes des armes allemandes (Il y avait en effet quelques marches pour entrer en classe). La matinée se passa tant bien que mal, objectif : rester calmes, sans se faire remarquer…elle alla ensuite manger comme d’habitude avec sa cousine chez Mme Rouvès (menuisier ami de ses parents) qui habitait du côté de chez M. Lablénie. Dans le trajet, elles passaient devant le monument aux morts et ce matin-là, elles virent les hommes rangés sur la place avec les allemands autour. Un allemand demanda les papiers à une de ses copines un peu plus âgée qui bien sûr n’en avait pas mais il comprit que c’était une écolière… Le repas se fit avec une boule dans la gorge. Retour à l’école avec les hommes toujours sur la place. Vers les 16 heures comme le bruit s’était répandu que Rouffignac allait brûler et qu’il fallait partir, elle prit son vélo laissé chez le boulanger Estay et que quelqu’un pour s’amuser avait mis sur le tas de foin… elle se dépêcha de s’en aller sans les livres ni les cahiers. Lorsqu’elle arriva à la maison et qu’elle eut dit que les allemands allaient brûler le bourg, tous furent terrorisés. »
« A la cantine c’était Mme Lescot qui « trempait » la soupe ».
Témoignage de Mlle Pierrette Labrugère
L’après-midi, alors que s’éloignaient les 2 camions de prisonniers, était pour ainsi dire libérée Mlle Pierrette Labrugère retenue en « otage » sous une autre forme :
« J’avais 17 ans et le matin du 31 mars vers les 8 heures, je partais aux Cervotes laver le linge lorsque je vis route de Saint-Roch un camion bâché, arrêté avec des soldats allemands. Au pied du camion deux hommes en bleu avec un béret sur la tête conversaient. Je partais néanmoins rincer le linge et à mon retour, les allemands étaient partout autour de la maison. Il y en avait de « petits », type asiatique, qui se balançaient, une grenade à la main. Bientôt d’autres arrivèrent avec des paniers d’œufs et de 11 heures 30 à 16 heures environ, ils m’obligèrent à les faire cuire. Ils les passaient dans des gamelles et des assiettes à leurs camarades vautrés dans le fossé qui eux mangeaient des quartiers de canards à pleines mains en riant et chahutant. Lorsque je baissais le rythme pour me reposer, je sentais une pointe dans le dos qui me rappelait à l’ordre, et les œufs succédaient aux œufs… Lors du rassemblement, voyant mon père impotent, un allemand me répondit sèchement qu’on n’avait pas besoin de lui… Et lorsque je pus prendre mon « charretou » pour me diriger chez M. Guy aux Buissons emmenant mon neveu qui, avec une broncho-pneumonie avait quelques 40° de fièvre, un allemand me fit comprendre que les avions allaient venir bombarder…. »
Témoignage de Mme Thérèse Laroumagne (qui demeurait Rue des Fontaines)
« J’étais restée non loin de mon père retenu sur la place sans jamais pouvoir le ravitailler… et puis il y eut le tri puis l’ordre d’évacuer. Aussitôt, comprenant l’ampleur de cette décision, je me précipitai camoufler de l’huile de noix et des conserves dans du fumier… Je me souviens du tir de barrage du vendredi qu’il y eut sur Grolet où nous avions trouvé refuge, les balles sifflaient si près que je me couchai sur mes deux enfants apeurés… le dimanche après-midi brûlait à son tour le restaurant de mes beaux-parents. Nouveau départ vers Mérignac. Plus tard j’ai éprouvé une joie immense à la vue de l’uniforme français en la présence de gendarmes venus je crois de St.Cyprien ou Belvès et au fait d’avoir pu sauver quelques photos»
Synthèse de témoignages (recueillis en avril 1980) relatant ces moments
« Les heures s’égrenaient avec l’épée de Damoclès toujours suspendue au-dessus de nos voisins et amis toujours aussi stoïques. Quel sort leur réservait-on ? Avaient-ils soif ? Avaient-ils faim ? Avaient-ils même encore la notion du temps ? »
Non loin d’eux, les mères, les épouses accompagnées parfois de leurs enfants en bas âge sentaient progressivement s’installer une atmosphère de tension étouffante, d’oppression indéfinissable, prémices aux grandes catastrophes.
Vers les 16 heures 30 un ordre bref enjoignait les 64 personnes de moins de 50 ans, de monter dans deux camions réquisitionnés pour s’en aller vers une destination inconnue avec quelques tourtes de pain et gâteaux remis à la sauvette par MM. Nebout et Pompougnac…
Puis, de longues files de familles éperdues avec leurs maigres provisions, commencèrent à s’éloigner du bourg pour être recueillies dans les fermes environnantes, à bras ouverts par des parents mais aussi des amis ou de simples connaissances. Et dans cette effroyable catastrophe, naquit un émouvant « élan d’entraide et d’amitié » qui apporta ainsi spontanément beaucoup de chaleur et de réconfort à ceux qui allaient tout perdre.
D’ailleurs, ces liens qui se tissèrent resteront à jamais gravés dans tous les cœurs et toutes les mémoires.
« Chacun devait emporter de quoi se couvrir et manger car à 5 heures le bourg devait être évacué » Les rumeurs les plus invraisemblables se firent entendre… L’évacuation désordonnée se fit avec des charrettes à bras, des charretous remplis d’objets les plus hétéroclites, … l’on vit également des mères avec leurs enfants dans des poussettes, quelques billets dissimulés sous les couvertures, d’autres enfants sur les épaules de leur grand-père qui poussaient un chariot grinçant, quelques femmes avec leur brouette d’où dépassaient quelques photos, chacun emportant ou croyant emporter l’essentiel pour subvenir quelques jours. Mais surtout tous tremblaient à la pensée du lendemain, de l’avenir, qu’une page était en train de tragiquement se tourner sur leur passé et que leur vie ne serait plus comme avant.
Parallèlement à cette précipitation et dans l’affolement général, si quelques soldats allemands aidèrent certaines personnes à évacuer leurs biens de premières nécessités, la grande majorité s’était précipitée pour piller sans ménagement et pour entasser leur butin dans des camions remplis de linge, de vivres, de meubles qui, paraît-il, partiront avec cette inscription « Dons des habitants de Rouffignac aux sinistrés du Reich (d’autres disent de « Berlin »)»
Vers les 20 heures s’entendirent les bombes incendiaires et s’élevèrent les premières flammes visibles des kilomètres à la ronde semant l’affolement et l’angoisse. En effet des collines environnantes, des témoins assistèrent impuissants à la disparition de tout un village de toute une Mémoire Collective et de son Patrimoine Familial.
Témoignages des départs et de l’accueil
Madame Fernande Laval quant à elle se souvient bien de son arrivée au Maine chez ses beaux-parents où elle retrouva une dizaine de rouffignacois. Elle pensait être à l’abri des représailles loin du bourg mais ne sut plus tard qu’à 500 mètres de l’habitation (à 50 mètres de la Voie Royale), étaient camouflées des voitures du maquis…
Témoignage de Madame Perrot
« La veille du sinistre, j’étais allée chercher mon fils Jean Claude au lycée de Périgueux et après Les Versannes, nous avions passé tout bouleversés près des cadavres de maquisards tombés sous la mitraille allemande. Le 31 mars lorsque mon mari se rendit sur la place et se vit poser les habituelles questions avez-vous vu ou aidé le maquis ? Nous commençâmes à nous affoler de crainte d’avoir été dénoncé. En effet au cours de l’hiver nous avions donné une nuit, de l’essence aux résistants. Voyant s’éloigner mon mari sur le camion de l’inconnu, le cœur déchiré, j’étreignis mon fils avec la force du désespoir et rentrai à la maison.
Dans la souillarde, les allemands ayant tout saccagé, buvaient et s’amusaient bruyamment…n’avaient-ils pas eu l’idée saugrenue de mettre un plat d’œufs sur la porte qui bien sûr se renversa à l’approche d’un des leurs…
Arrivés chez Carmen Carabella à Saint-Roch, la porte était close, je poursuivis avec Mme Nebout chez M. Bardet. Et le soir, lorsque les premières lueurs rouges s’élevèrent dans le ciel, je me mis à trembler, à trembler sans pouvoir me contrôler… c’était terrible…
Le lendemain avec Mme Nebout, avons décidé d’aller voir nos époux retenus à Périgueux après avoir récupéré un bidon d’essence dans son hangar qui n’avait pas encore brûlé. Mais à Saint-Roch, « les allemands sont à Tourtel, ils vont fusiller tout le monde » Nous revoilà à nouveau au Cheylard juste avant l’arrivée de soldats qui voulaient faire comme à Tourtel : c’est à dire embarquer les jeunes.
Mais avertis à temps les 4 hommes qui s’y trouvaient, s’étaient allongés pour se cacher derrière la haie bordant la terrasse sur laquelle patrouillait une sentinelle. Mon Dieu, Pourvu que… ».
- Raoul Pompougnac nous précise : « J’avais 15 ans et me dirigeai vers les 21 heures sur les blocs de pierres blanches appartenant à mon père maçon à La Menique. De ce promontoire dégagé, je regardais cet immense brasier rougeoyant qui ensanglantait le ciel clair. Et cette image grandiose me revient toujours à l’esprit lorsque j’entends parler du 31 Mars… »
Sur les 64 personnes de moins de 50 ans qui furent embarquées vers Azerat puis au 35 ° à Périgueux, certaines furent libérées d’autres au nombre de 16 partiront prisonnières en Allemagne et rentrèrent à la fin des hostilités plus ou moins marquées par les souffrances et les privations. Mais ne reviendront pas MM. Sureau Marc, Cantot Albert, Duberger René et Grenier Jean les 4 gendarmes déportés dans les camps de concentration.
Samedi 01 avril 1944
Le lendemain, des papiers calcinés de la mairie se retrouvèrent à Giverzac et si le curé Marquay avait réussi à sauver son église et les 3 maisons attenantes qu’en était-il de ce terrible spectacle de désolation ?
105 maisons détruites et au milieu, des ruines fumantes semblant implorer la clémence des cieux, ces pans de murs noircis, ces ouvertures béantes violant l’intimité de familles aujourd’hui dispersées dans la campagne, sans parler de cette insoutenable odeur de soufre qui restera encore des mois durant et de ces 380 sinistrés….
Mme Gabrielle Moulinier
« Paulette, Jacky, Roro et ma grand-mère aveugle, avions passé cette tragique nuit au Cheylard. Ce samedi 1° avril, Roro heureuse, déambulait dans les couloirs du château et quel ne fut pas son plaisir après m’avoir fait une gentille farce de m’annoncer : « Maman, Poisson d’Avril ! » avec l’insouciance propre à sa jeunesse car, quel triste poisson d’avril vivions-nous ? »
Témoignage (en 1980 et suite) de Robert Nicolas sur le 31 Mars, le 01 et le 02 avril
Par 2 fois, les allemands vinrent chercher M.Delpeuch (Château de Tourtel) pour le questionner. A son retour, il nous annonça que le centre du bourg serait incendié. Effectivement nous vîmes brûler Rouffignac de la fenêtre de notre mansarde où nous nous étions réfugiés et toute la nuit nous avons entendu tirer autour du château. Le lendemain 1° avril, mon père revint à son atelier de peinture qui brûlait encore et qui brûlera encore 3 jours consécutifs et il retrouva, au carrefour de chez M.Lalot, le pinceau et le pot de peinture qui avaient servi à délimiter les zones à détruire. Il rencontra Victorien Carret (un autre entrepreneur charpentier) et ils commencèrent à ébaucher les grandes lignes pour tenter de reloger les sinistrés avec ce qui restait….
Mais au cours de l’après-midi arriva de Périgueux une seconde colonne d’allemands, je m’enfuyais avec un adulte et deux jeunes de mon âge (René Goursolle – Bernard Delpeuch et le petit fils de Mme Despeigne en direction de la Fromentinie qui était en fait, déjà occupée. Demi-tour et direction le Bas Gaillet mais nous avons été arrêtés et conduits au château de Tourtel où 32 personnes étaient alignées devant le fusil mitrailleur prêtes à être exécutés. Puis, sous l’œil angoissé de mes parents, je suivais avec René Goursolle un officier allemand pour monter vers les 15 heures dans un camion où se trouvait déjà Léon Deltreil. Nous avons alors traversé le bourg en sectionnant quelques fils électriques qui pendaient au travers de la rue afin de libérer le passage pendant qu’un allemand plus âgé me disait « pas sauter, pas sauter… » Nous sommes arrivés chez M.Bardet qui hébergeait quelques ouvriers mais ne trouvant personne nous nous sommes dirigés vers Balou. Là, nous avons rencontré une autre colonne venant de Thenon. Nous avons pris la direction de l’Herm puis après un court arrêt dans la ferme où se trouvait M.Van de Put, nous avons pris la direction de La Bournéche pour embarquer Monsieur Ash. Ce fut ensuite La Gélie, Lacropte, Cendrieux, Ladouze, Les Versannes nous arrêtant de temps en temps pour récupérer quelques otages supplémentaires.
Nous avons passé la nuit dans l’ancien couvent de St.Pierre de Chignac et c’est là que M. Ash eut toute la nuit « le hoquet de la mort » comme il nous disait.
Le 2 avril nous nous sommes dirigés vers Azerat, La Bachellerie où nous rejoignit Monsieur Michel sénateur, pour enfin nous immobiliser dans l’école de Condat où déjà étaient alignés 22 autres camarades. Arrive un officier qui nous lance : « si vous ne voulez pas parler, vous serez tous fusillés… » était-ce la fin du voyage ??? 18ans ½ !!!
Derrière l’école, deux personnes juives furent fusillées dont M. Ash, une troisième fut abattue aux carrières. Ce fut tout. Deux camions bondés nous amenèrent au 35° RAD…où je retrouvais mes amis rouffignacois. Les questions se mirent à fuser pour avoir des nouvelles de Rouffignac, des familles… créant une certaine rumeur bien vite dispersée par une rafale de mitraillette tirée par un gardien dans les carreaux du manège.
Ce fut ensuite La Pépinière, Gratz où j’ai dû travailler quelques 3 semaines à faire sûrement des fours crématoires puis ce fut Liezen… »
(Voir témoignage plus complet recueilli dans les années 2002… et se trouvant dans « Résistants et amis »).
Mais revenons à nos pauvres Rouffignacois qui s’affairaient à tenter de récupérer quelques objets d’infortune, quelques matériaux mais que pouvaient-ils récupérer ???
Et pourtant Mme Maurice Pompougnac qui avait passé la nuit chez M.Cheyrou au Moulin Haut, rencontra en remontant au bourg, un allemand compréhensif qui lui disait « vous avez tout perdu… » mais, sortant les photos de ses enfants lui répondit » j’ai le plus précieux ». Puis avec Mme Delbut elle arriva devant les ruines de son magasin et fut stupéfaite de découvrir au milieu des décombres, la photo de son mari.
Dimanche 2 avril
Nous allons retrouver quelques instants Gabriel Bonnet que nous avions laissé en compagnie de son ami Lucien Lasserre.
— « Nous avons passé à Saint-Cernin, les Châties, Laudinie, La Meyssandie et je me retrouvais dans une grange de La Pradelie avec une quinzaine de personnes qui bien vite, se séparèrent pour aller dormir sous les sapinettes conscientes de leur imprudence….
Sans nouvelles des miens je m’approchais de la Deymarie et faisais un bon « chabrol » chez Marcel Crouzet mais une nouvelle fois, il fallut regagner les bois car les allemands arrivaient. Je m’élançais à nouveau vers Saint-Cernin sentant la poigne allemande derrière moi telle une main invisible qui me suivait comme mon ombre. Je ressentais l’atroce sensation de me faire rattraper après avoir été rescapé du front allemand, d’autant, qu’à l’approche de Saint-Cernin, stationnait une automitrailleuse prête à m’accueillir….
Le dimanche soir, je retrouvais ma famille chez Mme Madieu à Rousty. Quelques temps après nous nous installions 4 dans un petit cabanon d’environ 16 m2 après avoir récupéré dans les décombres un lit en fer brûlé et avoir confectionné un matelas avec des sarments de vigne…Puis ce fut le luxe avec les baraquements… »
Toujours ce dimanche matin, Mme Perrot se souvient : « je décidai d’aller prier et avec Mme Pompougnac nous étions en notre église attendant l’abbé Marquay. Soudain entra un groupe d’allemands qui nous fit sortir, nous expliquant qu’ils allaient finir de brûler les maisons, nous précisant le nom des propriétaires ainsi que toutes les habitations dans un rayon de 3 kms. Et bien je vous dis « merde » répondit Mme Pompougnac. Venez donc nous aider à déménager au moins les médicaments de chez le docteur Girma. Ils nous conseillèrent de les mettre le long du mur du cimetière. Jeannot et Jean Claude nous aidèrent jusque vers les 15 heures puis, la tache achevée, ils nous obligèrent à nous éloigner en tirant en l’air pour nous effrayer. Quelques instants après le lance-flammes réduisait à néant nos efforts ».
A présent ce qui suit, va peut-être nous expliquer les raisons pour lesquelles le château de La Falquette ne brûla que le dimanche.
Témoignage de Mme Raymonde Deltreuil 24 ans
« Nous étions mon mari et moi employés à la Falquette chez M. André Lagarde comme jardiniers et cuisinière et, le 31 mars était notre anniversaire de mariage. Après avoir tous mangé une bonne soupe au fromage en guise de casse-croûte, mon mari se préparait à partir vers les 9 heures semer les pommes de terre à Touvent en compagnie de Charles Magne l’oncle de Louis Carret. Mais tout était encerclé puis occupé. Vers midi il me fallut même faire cuire 36 œufs pour les allemands qui les consommaient sans pain. Le soir j’ai couché avec ma mère dans une carrière à Boujou sous la paille, mon mari ayant subi le même sort que les autres.
Le dimanche, revenant au château, je constatais que toutes les pièces étaient reliées par un cordon qui partait du rez de chaussée et auquel étaient attachées des bouteilles tous les 4 ou 5 mètres…Le château se désertait…., il avait dû en effet servir de quartier général car nous retrouvâmes quelques 130 bouteilles vides disséminées à travers tout le parc. »
Si les hommes de plus de 50 ans furent libérés le soir même, parmi le convoi des 64 qui partit vers le 35 °, Pierre Bayle, Jean Pierre Bordas, Emilien Debiard , Gabriel Débiard, André Delingeas, Louis Delmarès, Abel Deltreuil, Dumas, Gabriel Goursolle, René Goursolle, Jean Joubert, Georges Lacoste, Paul Magne, Robert Nicolas, Yves Roumagne, Pierre Rouvès étaient libérés ultérieurement ou partaient eux vers l’Allemagne nazie. Et le profond et douloureux sillon de souvenirs laissés derrière eux, se refermait progressivement au fur et à mesure qu’ils s’éloignaient de leur cher « Arbre de la liberté » au pied duquel, ils avaient tant devisé
Quelques jours plus tard, le retour des premiers otages libérés, redonna un peu confiance aux familles si cruellement éprouvées.
Pierre Pompougnac raconte que l’abbé Marquay qui s’était au tout début des événements du 31 mars proposé comme otage, s’écria en le voyant revenir « je ne m’attendais pas à vous revoir car le général allemand m’avait dit que Rouffignac serait rayé de la carte et tous les hommes fusillés.. »
En 1980, Maurice Pompougnac son frère nous conta, que prisonnier de guerre à Stuttgart dans le Wurtemberg’, il avait appris d’un camarade qui écoutait la radio anglaise chez son patron cultivateur, que « Rouffignac en Dordogne avait été brûlé par les allemands ».
Lors de la collecte de ces témoignages ; nous ne pouvons pas ne pas mentionner deux thèmes revenant souvent dans les conversations :
le premier pour évoquer leurs pensées envers plus particulièrement les personnes seules ou âgées qui assistèrent impuissantes à l’anéantissement de leurs biens, fruit de toute une vie de travail comme Maître Andrieu Delille âgé de 87 ans qui n’abandonna son étude qu’expulsé par les allemands.
Le second pour relater combien l’accueil trouvé par eux « expulsés », auprès de la population rurale environnante fut partout des plus chaleureux et réconfortant. Que de magnifiques élans d’amitié et de solidarité se sont créés aussi spontanément et qui resteront des années durant.
Gabriel Goursolle
C’était le camp Gemain Schalager I à Maribor (Yougoslavie qui actuellement se trouve je crois en Slovénie). Nous retrouvons à présent le parcours de Gabriel Goursolle jusqu’à son retour à Rouffignac.
« Là nous travaillâmes sous terre dans une usine d’aviation, fabricant des pièces pour moteurs, des hélices qu’il fallait usiner car la matière première venait des fours. Il y avait quelques 1500 personnes de tous les métiers même par exemple des menuisiers pour les boîtes de protection…. »
Gabriel dit Bébé ajouta qu’il ne se sépara jamais de son ami Titin (Gabriel Débiard de Teysonnière).
« Souvent la nuit, nous entendions des accrochages dans la montagne, entre les allemands et le maquis de Tito. Ce dernier était efficace et même une fois il y eut un maquisard déguisé en allemand qui se promena dans l’usine pour espionner… J’eus même la possibilité de rejoindre ce maquis et une nuit, ayant quitté le baraquement vers les 11 heures, je me retrouvai avec quelques autres prisonniers dans une ferme attendant un avion pour « le grand air »… Mais vers 4 heures du matin on les avertit que la région était cernée par les S.S. et qu’il fallait tout de suite partir afin d’éviter au fermier d’être fusillé.
« Mais comment reprendre à 10 heures ma place dans l’usine alors que je n’avais pas pointé? Sans me changer j’arrivai au baraquement où un copain me dit en rigolant: et moi qui te croyait en France…Je me dirigeai vers l’usine et entrai en expliquant aux surveillants que je venais de demander un autre ensemble de bleu de travail auquel nous avions droit de temps en temps… Cela passa et me voici à mon poste, près de Titin heureux de me retrouver (car il ne s’était pas décidé à participer à cette aventure). Il m’expliqua qu’ayant l’habitude de toujours travailler ensemble, les surveillants lui avaient demandé où avait passé son camarade et mon ami Titin de répondre qu’il devait être malade.
Je me mis à travailler vite pour faire un tas de pièces et montrer que j’étais là depuis le début…Arrive un gradé qui ne m’avait jamais plu, il me demande de bien vouloir montrer ma carte de présence et chose inattendue, il la signe. Ouf plus rien à craindre. (Petite anecdote : un ami alsacien nommé « Nericlos… » ancien réfugié à Périgueux souhaitant lui aussi entrer dans le maquis et partir, était resté dans la nature après le contrordre, au lieu de rejoindre l’usine… Mais il fut repris et amené à Dachau…)
Nous continuerons donc à manger des choux-raves jusqu’à la fin de la guerre…
Celle-ci arriva lorsque nous avons entendu le canon russe à quelques 30 kms qui nous redonna espoir et, tout en continuant à travailler jusqu’au dernier moment nous commencions à préparer quelques affaires…. En ce dernier jour, avec Titin et quelques camarades, nous sommes revenus au baraquement manger des grillades de cochons car sentant la fin proche, nous avions sacrifié celui que nous avions engraissé avec les restes…
L’après-midi, nous ne sommes pas revenus travailler mais de toute façon les gardiens reçurent l’ordre d’évacuer vers les 16 heures. Il fallut se regrouper et partir en colonnes vers Gratz. Il y avait des jeunes amenés des chantiers de jeunesse des Pyrénées et faisant partie de ma classe. A Gratz, nous décidons de prendre le train pour Lindtz en Autriche libérée et arrivons au terrain d’aviation. Là, nous sommes tous impressionnés par les forteresses volantes américaines. Par groupes de 40 elles s’envolent pour Merville près de Lille… En 3 heures nous sommes à Paris, gare du Nord, c’est le Vel d’Hiv en camion où on nous changé les marks contre des francs puis c’est le train vers la Dordogne toujours avec Titin. (nous étions partis ensemble et sommes revenus ensemble…) Plus tard nous avons revus à Rouffignac « Nericlos… » l’alsacien, qui était venu chercher des papiers et puis il disparut définitivement ».
Parlant de la plaque commémorative apposée à la mairie, Gabriel Goursolle tient à préciser que ce ne fut pas le général De Gaulle qui remit la médaille militaire à Rouffignac mais bien le général Duchet commandant la 4° Région militaire de Bordeaux. D’ailleurs Lucien Lafaysse soldat y avait présenté les armes. Le général Duchet était un ami de Monsieur Chaussade maire, car il jouait ¾ aile au rugby au C.A.P. avec Duchet. Pour cette remise, l’épouse du commandant avait également été invitée et ils avaient tous mangé chez la Marcelle Montauriol dans le baraquement près de l’ormeau. »
Les résistants
Témoignage de Léon André Boutinaud recueilli le jeudi 13 mai 2004

« Je suis né le 7 février 1923 à Sarlande près de Lanouaille de parents cultivateurs. Mon certificat en poche je vais travailler chez mon oncle puis chez un voisin ce qui me permet de gagner mon premier vélo à 15 ans. Je poursuis mon travail dans les champs jusqu’en 1943 date à laquelle, le service militaire ayant été supprimé et remplacé par les chantiers de jeunesse, je suis engagé d’abord à Pongibaud dans le Puy de Dôme comme ouvrier bûcheron dans les forêts abruptes couvertes de sapins. Puis au bout de quelque temps me voici envoyé à Bergerac où, à pied je me rendais tous les matins à Roumanières afin de participer aux travaux d’allongement de la piste d’aviation à la demande des allemands.
Mais après l’occupation de la zone libre, fut instauré le Service du Travail Obligatoire auquel je ne pouvais me soustraire… Aussi comme l’atteste mes états de service rédigés le 2 juin 1944 par le capitaine Meyze sous les ordres du lieutenant Claude Fernand dit Guy (son nom de guerre), j’entre dans la résistance le 7 janvier 1944 comme soldat F.T .P. et « Toto » comme nom de guerre. »
Léon montre ses papiers avec cette note du capitaine : « soldat discipliné, courageux faisant partie de la 1° compagnie du 2° bataillon du 1° régiment FTPF FFI Dordogne Nord ».
Reprenant son témoigne il nous raconte ses principales actions dans ce secteur :
« D’abord le17 février 1944 où nous fûmes attaqués au pont de Lasveyras par les allemands qui avaient encerclé le groupe Violette et qui firent plusieurs victimes.
Puis, courant avril 44, notre camp de résistants est installé près de Jumilhac où, à l’occasion d’un ravitaillement alors que je traversais la route entre deux bois, je me suis trouvé au détour d’un tournant, face à une colonne d’allemands remontant vers Saint-Yrieix. Je suis tiré comme un lapin par un soldat qui, heureusement ne me toucha pas, me permettant de m’enfuir dans les bois à l’opposé bien sûr de mon camp. Ce dernier venait d’ailleurs d’être attaqué par les miliciens GMR après dénonciation… mais sans perte. Je les retrouve un peu plus tard, plus au Sud, vers Saint-Priest d’où, deux jours après, nous devons à nouveau « décrocher » dénoncé par le même milicien que précédemment.
Le 25 avril c’est une action sur la voie ferrée du train entre Limoges et Périgueux.
Le 26 Mai c’est l’accrochage à Jumilhac le Grand du convoi de miliciens se rendant de Thiviers à Saint-Yrieix où je reçus dans le bras, des impacts d’une balle explosive laissant des cicatrices toujours visibles à l’épaule et à plusieurs endroits du bras. Je fus transporté à Clairvivre où le professeur Fontaine m’opéra. Toutefois, lors des visites – contrôles des allemands les sœurs durent me déplacer de pièce en pièce, restant même quelque temps dans la partie « femmes » de l’hôpital. Je récupérais rapidement et terminais mon immobilisation par une semaine de convalescence chez les parents à Sarlande où, comble de malchance l’arrivée imprévue et soudaine d’allemands m’obligea à sauter par la fenêtre de derrière et gagner rapidement les bois proches…
Premiers jours de juin, me voici avec les copains dans la région de Guymalet, à Cherveix-Cubas où le 24 nous menons une action retardatrice contre une colonne d’allemands se rendant sur le front de Normandie et où hélas tombèrent plusieurs camarades.
Les 8 et 9 juillet c’est un nouvel accrochage de la compagnie avec les allemands à Sarrazac (24) mais envoyé sur un autre secteur, je ne pouvais y participer.
Vers la mi-juillet 44 avec quelques 28 compagnons nous avons suivi avec le lieutenant Laurent (nom de guerre : Tino) les consignes nous mandatant d’abandonner le secteur du « Plateau de 1000 vaches » pour rejoindre avec deux camions gazogènes Laudonie où se trouvait le commandement Dordogne. A ce sujet, je me souviens d’une « petite » frayeur qui eût pu se transformer en catastrophe si nous n’avions été avertis à temps. En effet peu avant de traverser la N.89 on nous demanda de se camoufler rapidement car déboulait une colonne allemande qui heureusement poursuivit sa route, ne doutant de rien.
Installé à Laudonie propriété de M.Audit, où se trouvait le QG de Peron, Ranoux, Léger, François, nous sommes avertis d’un possible « passage » d’allemands. Aussitôt de ranger, classer et charger les deux camions avec au-dessus des bidons d’essence à enflammer si besoin était, afin de détruire tous les documents. Mais heureusement qu’il s’agissait d’une fausse alerte. Outre la protection du secteur, j’étais également responsable du ravitaillement. Ainsi, Rouffignac brûlé, il me fallait rejoindre Plazac avec la charrette pour s’approvisionner en pain ou bien se diriger vers Rétat auprès de la boucherie Vilatte.
Les 20 et 21 août pendant que mon régiment participait à la libération de Périgueux je faisais toujours parti de la protection du Q.G. de Ranoux et Perron à Laudonie.
Après la prise de La Rochelle, me voilà engagé volontaire le 28 octobre 44, pour la durée de la guerre.
Le 15 février 1945 je suis au BST de Bergerac venant de temps en temps à Rouffignac en bicyclette. Octobre, c’est au 50 ° BSO (artillerie) à Metz sous les ordres du capitaine Ranoux avant d’être finalement démobilisé le 12 novembre 1945 ».
Témoignage de Monsieur René Delcombel le mercredi 16 juin 2004

René Delcombel est né le 23 janvier 1921 à Chabanetat (commune de Bars) de parents maréchal-ferrant. Il fréquenta l’école mixte de Bars parcourant à pieds les 4 kms séparant la maison de l’école. Son certificat d’études en poche il restera deux ans avec ses parents pour les aider avant d’aller comme apprenti chez M. Salon à Thenon. Souhaitant à 18 ans devenir Compagnon du Devoir il se retrouvera chez Monsieur Thibaudeau à Nantes s’occupant principalement des chevaux de course à La Baule avec lever à 4 h puis à la Biscuiterie Nantaise et LU. C’est ensuite le Maine et Loire à la Jumelière sur les machines agricoles lorsqu’éclate la guerre. Après l’épreuve du Compagnonnage réussi, il se voit contraint en 1942 à partir au STO car faisant partie de la zone occupée. Il décide donc de regagner le « sud ». Il prend ses bagages et par Bordeaux il arrive à Périgueux vers 2 heures chez son beau-frère. Hélas, le lendemain à 11 heures, le 11 novembre 1942, le beau-frère le réveille lui disant « Les allemands sont là, ils occupent la gare… » Le voilà reparti pour Chabanetat se mettre « au vert ».
—- « Comme la résistance commençait à s’organiser je souhaitais regagner l’Angleterre par l’intermédiaire d’un ami qui avait une sœur travaillant à la sous-préfecture de Quimperlé en Bretagne et qui s’occupait d’un réseau pour passer en Angleterre. Avant de partir, Roche maquisard à Peylon me demanda de passer chez Mme Bloch cours Fénelon qui me remit une lettre pour son mari qui était en Angleterre, me demandant de l’informer si j’étais bien arrivé en diffusant le message « Jacquou est bien arrivé ». Je partis avec mon frère et bien sûr de faux papiers puisque j’étais devenu « contrôleur de voyageurs » sous un faux nom… A Quimperlé je suis reçu à la sous-préfecture, donnant le nom de code à la porte du bureau « Ah ! malheureux…. le réseau…fut décimé… leur dit-on » Le fils s’occupa de nous en nous permettant reprendre le train du retour avec la fin des espoirs et du rêve pour l’Angleterre. De retour je pris contact avec Firmin Mergnat car le groupe Roger (Armée Secrète) commençait à se constituer.
Par la suite, Roche dont j’ai déjà parlé apprit par son ami Bordas de la Mazière que je souhaitais toujours regagner l’Angleterre. Il me fit savoir qu’il connaissait bien une autre filière par l’Espagne mais qu’actuellement en sommeil, ils en attendaient le signal…
Je resterai en fait dans ce maquis local dont le chef politique était Deschamp dit Roger tandis que les chefs militaires étaient Richard, Castaing, Dupuy. C’était l’A.S. dont les membres étaient formés comme des militaires dans leur camp près d’Ajat. Nous couchions sur la paille, sous des tentes de fortune mais avions de quoi payer les commerçants pour le ravitaillement ne pillant jamais les autres gens sous prétexte que…. Les tickets de ravitaillement ne manquaient pas. Pour le ravitaillement, comme à l’armée : outre la « roulante », il y avait un cheval, une charrette et un homme. L’entraînement était militaire, nos chefs étaient au départ : les 2 sergents Desfard instituteur à Azerat ainsi que Ducheyron (peut-être « Duchet » ?) l’adjudant Malaure – Lieutenant Dupuy – puis les capitaines Richard et Chastain alias « Chatelier ». Toutes les journées étaient occupées et bien occupées. Plus tard ce groupe formera une compagnie puis un bataillon et participera à la prise de Royan.
« Je dois dire que si à l’approche de la libération le groupe comprendra quelques 500 personnes, parmi celles-ci seulement une centaine était armée, les autres se contentant d’avoir fui pour éviter le STO. Nos premières armes étaient des mitraillettes heureusement que Bidault président du conseil supérieur de la résistance avec l’aide de Jean Moulin renforça les réseaux qui reçurent des armes de moyenne portée comme les fusils mitrailleurs. Nous en reçûmes en mai 44 à La Granval, tout baignant dans la graisse. Il faut savoir que les gros porteurs qui parachutaient ne livraient pas forcément pour un seul groupe mais parfois pour deux ou trois. Ils étaient répartis par groupes avec un fusil mitrailleur, par postes, toujours dans des endroits éloignés des maisons isolées pour éviter les éventuelles représailles.
Dans mon groupe, j’étais responsable du fusil mitrailleur, le fer de lance de la section et mon pourvoyeur était René Queyroi qui habitait à Thenon. En cas d’attaque la consigne était de vider le chargeur et de partir au plus vite car les allemands étaient super équipés, nous ayant vite repérés, ils disposaient pour la riposte de la mitrailleuse et du petit canon.
Je connus « Jean-Pierre » l’anglais qui me forma ainsi qu’une quinzaine de gars, au maniement des explosifs. Je savais certes plastiquer mais en fait je m’occupais le plus souvent du transport des caisses d’explosifs, connaissant certes la peur mais sans jamais paniquer. C’est ainsi que je fis parti de l’attaque du « Trou du chien » face à 7 ou 8 camions d’un convoi de quelques 150 allemands allant prêter main forte à Brive. L’accrochage eut lieu au Chauze près d’Azerat et fut assez sérieux. Je participais également à la prise de Périgueux gardant de son approche un souvenir cocasse qui eut pu être tragique.
. En effet avant la prise de Périgueux qui se fera le 19 août 1944, nous avions quitté le camp de Bars ( Vaujan… » pour regagner Thenon avant de partir en car Laribière vers Eyliac puis La Roquette. Mais à Charrieras les éclaireurs nous avertissent devant une grande scierie que les allemands étaient à quelques kms. Arriva la nuit et les allemands nous ayant remarqués, tirèrent avec des fusants qui éclataient en l’air, aussi nous dirigeons-nous vers Lannemarie puis avec l’orage, autour du château de Caussade. Après avoir posté 3 gardiens sur le chemin de ronde, tous épuisés nous nous endormîmes lorsque vers 3 heures retentit une rafale de mitraillette…. pour une fausse alerte…un copain vaincu par la fatigue s’était assoupi … et brusquement réveillé avait cru voir des lampes ennemies qui devaient être en fait des « vers luisants… ». Le matin nous regagnions Bassillac en passant dans les tranchées faites par les allemands sur le terrain d’aviation pour empêcher les avions d’atterrir. De là c’est la frayeur de Charrierras avec les fusants allemands qui éclataient en l’air et le repli à Lannemarie. Au matin c’est la Roquette pour récupérer les camions et se diriger vers Périgueux le 15 août. Il fallut attendre l’accrochage de Mussidan pour que le 19 soit signée la libération. Quelques jours après je reprends la vie civile …. à 23 ans repartant pour Chabanetat où je refis les fours à charbon de Roux dans la forêt Barade.
Mais en janvier 1945 je suis rappelé dans l’armée à Limoges où après avoir présenté mes papiers de résistants je fus affecté au 121° compagnie de Brive au service du matériel. Je devais partir récupérer tout le matériel français et allemand laissé sur la côte….. »
—- Démobilisé le 22 octobre 1945 avec une prime de 1000 F.
René Delcombel possède des certificats et attestations prouvant son appartenance et ses faits d’arme au sein des F.F.I.
Installé à Rouffignac, René sut écouter les « chambres de métiers » qui les avertissaient qu’il allait falloir s’adapter, car d’ici 10 ans il n’y aurait plus de travail : les bœufs et chevaux à ferrer allaient disparaître du monde agricole ainsi que tout le matériel attenant. Il partit donc à Rouen en 1950 suivre un stage de formation comme motoriste diéséliste qui lui permit d’obtenir un diplôme de l’Education Nationale mais surtout un métier plein d’avenir ouvert sur les transformations que le monde agricole allait connaître.
Témoignage de René Monribot (en 2004)

Né le 7 juillet 1925 à Veyssou de parents agriculteurs et d’une famille de 8 enfants, René ne parlant que patois, alla à l’école de Rouffignac à pied en passant par Bombay. Ce fut Mme Depeigne qui lui apprit à lire puis il eut M.Chaussade qui lui fit passer son certificat d’études. En 1939 avec la déclaration de guerre, la famille déménage à l’Arnotie en ayant toujours le même patron propriétaire et lui, aidant toujours le père dans les travaux quotidiens.
« A mes 18 ans, en avril 43, je décide de rejoindre mes copains de Plazac qui s’étaient inscrits dans la 222° compagnie commandée par « Blaise » (alors que la 223° de Montignac était sous le commandement de « Ramon » et la 221° avec « Toto ». Chacune des compagnies avait 120 hommes et plus tard (1944) elles formeront le 1° bataillon sous les ordres de Hercule).
Ce fut la tante de Marcel Audit : Mme Grangier qui m’aida à m’engager en signant mon engagement pour le temps de la guerre dans une petite grange à Chastel. (signature qui plus tard me permettra d’obtenir la carte de résistant).
Les allemands étaient partout…. Rouffignac avait brûlé… Insécurité….
J’y retrouve donc Audit Marcel un an de plus que moi mais aussi Crouzel le charpentier- Delrieux- Dupont de la Boulette (du Peuch) qui décédera lors de l’accrochage de Saint-Laurent – Mathivet – Lajoie Albert et Estreguil Louis….. Nous n’avions pas d’armes, elles n’arriveront qu’au début 1944 surtout avec les parachutages du Bos de Plazac. C’étaient les fameuses mitraillettes Stern, des grenades, des fusils anglais à balle rayée qui permettaient à 60 mètres de traverser un pin de 50 cm de circonférence, des fusils mitrailleurs (d’ailleurs je fus affecté comme porteur de balles « alimenteur » tandis que le poste de « fourvoyeur » ou chargeur du fusil mitrailleur était tenu par Dupont et le « porteur » : Estreguil.
…. Une anecdote : Nous nous déplaçions et nous nous trouvons au château du Peuch où je dois monter la garde, une nuit sombre au-dessus du chemin y conduisant. Soudain du bruit… des déplacements… Tirer je ne voyais rien…Attendre et rester vigilant… Le bruit cesse… Remplacé je le signale au copain et le lendemain nous pûmes constater que les bruits provenaient d’une horde de sangliers…Nouss y resterons 3 semaines et verrons arriver M.Morillon. Nous voici à Montignac logeant chez M. Mazel le vétérinaire. Nous avions de l’argent qui nous permettait de faire le marché ou les achats chez les particuliers, contrairement à un faux maquisard qui ultérieurement eut quelques problèmes. Nous monterons ensuite au « campousines » couchant chez Dupuy, Plus tard, je me rendis compte que j’étais rentré dans le fameux trou de renards découvert, près de Montignac sans en voir les peintures. La ferme de Baudry nous ravitaillait. Grâce à l’aide des cheminots, nous avons pu récupérer à Ussac (6 kms de Brive) une partie du chargement d’un train composé de ravitaillement, d’armes et notamment un canon anti-char et anti-aérien qui se trouvera plus tard dans le groupe « Soleil » … lors de la libération de Périgueux et qui suivra dans la poursuite des allemands vers Bordeaux.
Quelques semaines avant la libération de Périgueux et tout en regrettant intérieurement les risques encourus en prenant une route nationale, je fus embarqué dans un camion gazogène pour aller vers Cubjac pour récupérer un peu de matériel issu d’un parachutage.
« En entrant dans St.Laurent, « l’aviateurs» (dont je ne me souviens du nom) installé sur le marchepied du camion, chantait le « Chant des partisans » lorsque, arrivés dans le tournant sur la gauche dans le village, nous nous trouvâmes face à face avec une colonne d’allemands également en camions. Aussitôt je vois un officier allemand sortir son pistolet, tirer et tuer l’aviateur, le copain Mathivet est blessé au genou…. Le chauffeur accélère en rasant les autres camions et conduisant baissé sous le volant tandis que sur les plateaux, les fusils se touchaient presque…. Se lancèrent quelques grenades… s’échangèrent quelques rafales de balles dont une blessa le chauffeur qui eut trois doigts ensanglantés. A cet instant le camion accrocha l’avant d’un camion adverse nous perçant le radiateur… Mais peu importe, il fallait dans cette confusion continuer pour s’échapper en nous éloignant du village. Enfin nous voilà à l’extérieur… abandonnons le véhicule et nous dirigeant vers le cimetière, gagnons les bois à grandes enjambées sous les salves d’une automitrailleuse qui avait réussi à tourner. Nous nous retrouvons avec Destréguil et quatre ou cinq copains au château de « ??? »…. « Broens…. » était avec nous mais Dupont avait été tué. Là, on s’occupe rapidement de soigner du mieux possible nos blessés et nous nous dirigeons vers Marsaneix. Nous faisons un arrêt dans une ferme qui s’avérera plus tard être celle de le famille Puymaille. Ces derniers nous conduiront gentiment avec leur âne jusqu’à La Gélie. Où de là nous avons regagné l’Arnotie à pieds en évitant Rouffignac.
(J’ai depuis rencontré René Puymaille (du Buisson) qui m’a bien dit que c’étaient ses parents qui les avaient reçus et même que lors de l’accrochage, des balles sifflaient au-dessus de sa tête l’incitant lui-même à monter chez ses voisins. Le silence revenu, il redescendit et nous vit dans le foin de la grange. Après le réconfort ce fut leur jument poulinière et non un âne qui nous conduisit à La Gélie).
Une semaine après et peu avant la libération de Périgueux, nous voilà repartis avec le gazo vers Niverzac pour nous associer à d’autres groupes et récupérer des Georgiens qui devaient se rendre. Nous nous arrêtons à Niversac où nous restons 2 jours. La première nuit nous avons dormi dans un wagon mais nous ne nous y sentions pas à l’aise aussi, avec Crouzel pour la nuit suivante avons–nous décidé d’aller dormir sur le versant du coteau dominant la gare, protégé par un fossé que nous avions aménagé. Il y avait également Destréguil et un autre gars avec une mitrailleuse Hotchkiss qui d’ailleurs s’enrayera par la suite…Au lever du jour : un petit bruit venant de la petite route de Marsaneix… Nous voyions descendre à vélo jusqu’à la gare et à 100 mètres environ de nous un « éclaireur » puis remonter. Peu après s’avance un camion d’allemands. La mitrailleuse est en action les chargeurs se succèdent jusqu’à l’enrayement de la mitrailleuse nous obligeant à nous enfuir. Plus loin, nous franchissons la route sous les balles ennemies obligés de laisser un gars « comme mort » mais qui reviendra plus tard au camp.. A la gare il y eut des morts côté maquis. Périgueux sera libérée. Nous y sommes arrivés tout trempés, mangerons au Lion d’Or avant de nous diriger vers Marsac. Notre trentaine de copains et moi sur le gazo pour nous arrêter dormir au petit château (actuellement mairie). Nous poursuivrons le lendemain vers Mussidan mais nous serons obligés Crouzel et moi de revenir au 35° à Périgueux pour y garder les allemands prisonniers ainsi que quelques miliciens et miliciennes. A notre arrivée j’y ai vu des cadavres de français torturés et fusillés avec des murs maculés de sang. Je resterai là jusqu’à la fin de la guerre à décharger des caisses d’obus de 75 et 155 longs. J’aurai une permission de démobilisation provisoire. Plus tard je ferai mes 3 jours et ce sera pour moi, la fin de la guerre et de mon « service militaire ».
Témoignage de Gérard Delprat, fils de Léo

René Deltreil déporté à Mathausen

Les victimes
Robert et Georges Reisdorff
>>> Rencontre avec Mme Marie Hélène Dalbavie née Reisdorff, sœur de Georges et Robert
« Notre père né le 26 octobre 1884 était originaire du Luxembourg et avait fait la guerre de 1914-18 dans la légion étrangère. Il fit la connaissance de celle qui allait devenir sa femme, Louise Guine, née le 30 avril 1897 à l’Arnautie (commune de Plazac), et qui y travaillait comme couturière.
Ils se marièrent le 3 mars 1918 et s’installèrent à Graulet chez les grands parents. Je suis née le 24 décembre 1919, puis Raoul en 1922 et le 10 mars 1924, les jumeaux : Robert et Georges. La guerre éclate et fin 1943 (mais je n’ai pas la date exacte…) ils décident de suivre un de leurs copains qui est dans le maquis. Les voilà donc en Corrèze, leur secteur opérationnel.
Avec quelques camarades, Georges se rendaient le 30 mars 1944 à Chasteau en Corrèze pour le ravitaillement. Ils gravissaient un coteau dont les murettes de clôture formaient différents paliers. Malheureusement ils avaient été dénoncés ; crépitèrent alors les armes automatiques. Ils se réfugièrent dans une sorte de « cache » et au bout d’un moment Georges tenta de s’enfuir, hélas, en sautant un mur il fut fauché par la mitraille. Bilan de l’accrochage : 4 morts. Le lendemain 31 mars, à Cressensac dans le Lot, ce fut au tour de Robert de tomber dans une embuscade tendue par les miliciens.
Ce même jour, brûlait Rouffignac, étrange coïncidence … !
N’ayant plus de nouvelles, mes parents écrivent… au 126° R.I. de Brive. Peu de temps après, arrivera à la poste, où je travaillais, un officier qui m’annonça la mort de mes frères. Mes parents ont dû, après la guerre, aller reconnaître les corps et obtenir un « visa » à faire signer dans chaque gendarmerie traversée, pour ramener les corps à Rouffignac. Les cercueils recouverts d’un drapeau seront exposés à la mairie puis enterrés dans le caveau familial. Ils figurent sur le monument aux morts de Rouffignac, et une rue du village porte leur nom. »


Le 31 Mars, 4 Gendarmes seront arrêtés puis déportés
Jean Grenier Déporté à Buchenwald. Décèdera lors d’une épuisante « Marche de la Mort » en avril 1945. Il sera cité à l’ordre de l’Armée avec attribution de la Croix de Guerre 1939–1945 avec palmes le 25 février 1946 puis décoré de la Médaille Militaire le 25 octobre 1950
Albert Cantot : Décèdera en Tchécoslovaquie le 14 avril 1945. Le 14 janvier 1948 il est décoré de la Médaille Militaire avec attribution de la Coix de Guerre avec palmes.
René Duverger : Déporté à Buchenwald, il décèdera le 5 juin 1944. Cité à l’ordre de la Division avec attribution de la Croix de Guerre avec étoile de vermeil le 6 mars 1950 et décoré de la Médaille Militaire le 21 juin 1950.
Marc Sureau : Déporté également à Buchenwald. Il décèdera le 29 novembre 1944. Il sera cité à l’Ordre de l’Armée avec attribution de la Croix de Guerre 1939- 45, le 18 février 1946 puis nommé au grade de chevalier dans l’ordre de la Légion d’Honneur le 19 septembre 1947.
Le 31 Mars 2004, devant une assistance émue et importante, est inaugurée une plaque sur la façade de la gendarmerie, par la municipalité, les personnalités civiles et militaires afin d’honorer le sacrifice de ces 4 représentants de l’ordre.

Sylvain Asch
Né en 1900 à Bischheim, Sylvain Asch entreprit des études universitaires Après un doctorat d’économie à l’université de Strasbourg en 1924, il commença une carrière dans les finances. Il publiera en 1932 « Monnaie et Finance » avant d’être mobilisé en 1939 avec le grade de sous-lieutenant. Il sera fait prisonnier à Dunkerque en juin 1940 puis emmené en captivité qu’il réussit à fuir. Nous le retrouvons dans le domaine de la Bournèche où il rejoindra et « La Princesse » et le maquis. Hélas, le 1° avril « La Bournèche » est encerclée et Sylvain Asch rejoindra Robert Nicolas et autres prisonniers embarqués dans un camion à destination de l’inconnue. « Ils passeront par Ladouze, Les Versannes le temps de récupérer quelques otages supplémentaires avant de s’arrêter pour dormir, une trentaine environ, dans l’ancien couvent de St. Pierre de Chignac. Ils y seront surveillés par un fusil-mitrailleur.
Le lendemain vers 16 heures, départ pour Azerat puis Condat où ils doivent descendre vers l’école. Le tri est fait et derrière l’école, dans un champ près d’un noyer, deux personnes juives furent fusillés dont Monsieur Asch, tandis qu’une troisième fut abattue aux carrières ». Actuellement, une stèle dans un champ, à Condat sur Vézère, rappelle le sacrifice de ces hommes.
Pierre Khantine
Pierre Khantine naquit le 18 décembre 1915 à Paris, fit de brillantes études à l’école normale supérieure, fut également reçu à polytechnique, deuxième à l’agrégation de mathématiques avant de devenir professeur à l’Ecole Navale juste avant la guerre. Hélas de confession juive, les lois de Vichy l’empêchèrent rapidement d’exercer sa profession, le décidant aussitôt d’entrer dans la résistance dès l’été 1942. Le voilà au service des Éclaireurs Israélites de France en zone non occupée participant à la fabrication de faux papiers dans la région de Moissac. Fin 1942, la zone sud est occupée et Pierre Khantine avec son épouse Paulette Benroubi résistante également vont gagner Rouffignac courant 1943. 31 Mars 1944 : Rouffignac est encerclé par les hommes de la Division Brehmer et 66 hommes du village sont embarqués vers Azerat puis alignés face à deux mitrailleuses. Un officier allemand demanda s’il y avait parmi eux un juif. Devant l’officier, Pierre Khantine dut s’avancer, il fut roué de coups de poings puis éloigné du groupe à coups de crosse. Deux coups de feu éclatèrent et un jeune soldat SS revint avec le sac du malheureux…

Le samedi 31 Mars 2007 a 10 h 30, alors que 63 ans s’étaient écoulés, le maire en présence de Madame Langlois nièce de Pierre Khantine, venue de Lyon représenter la famille, les députés, conseillers généraux, les élèves avec leurs enseignants, et devant une assistance émue venue nombreuse ainsi que les représentants de l’ANACR, dévoilait la plaque du nom de l’école qui désormais s’appellera Ecole Pierre Khantine.